Dans un passé plutôt très passé, quand les petits bourgeois d’ici évoquaient une personne venant d’une famille « très simple », à mots couverts ils se positionnaient face à des gens qu’ils jugeaient inférieurs.

Aujourd’hui Sabrina Kassa avec son deuxième roman (1) « Un Noël chez les Zemmouri » redonne au mot simplicité toute sa noblesse, celle de l’authenticité si naturelle si spontanée qu’elle n’a nul besoin de faire semblant d’être autre chose que ce qu’elle est. Si le pilier de la famille Mima Ounessa a quitté l’Algérie avec son mari, c’est avant tout pour éloigner ce dernier de la belle Fatima. Cinq ans plus tard l’époux meurt dans un accident d’automobile. Mima va élever seule ses quatre enfants, Lila et Rania, Aissa et Mokhtar. Cuisinière émérite elle travaillera d’arrache-pied pour leur donner une éducation, leur permettant d’évoluer à leur gré dans la société française. Le Noël prochain qu’elle va préparer avec ses filles et sa petite fille Eva, ne sera pas une fête comme les autres, elle compte leur annoncer une grande nouvelle celle de son retour en Algérie. Est-ce par fidélité à ses origines, est-ce par amour d’un grand -père qui l’a élevé avec amour ou tout simplement parce -qu’elle ne sent plus très utile ici ?

En tout cas ce n’est pas par idéalisation d’un pays en proie à la corruption et aux mœurs archaïques. En fait la révélation attendue qui apparait à comme la clé de voute du roman n’en est que le prétexte. Il s’agit de pénétrer l’univers de chaque personnage, Lila divorcée vivant aujourd’hui avec Léa. Elle est artiste, photographe, souffrant que son talent ne soit pas reconnu par sa mère,

Rania, DRH d’une agence de pub mariée à un ingénieur plutôt absent. Aissa son fils qui aurait sans doute dû être nommé directeur de travaux s’il avait été blanc de peau, Mokhtar  son autre fils ,affecté par la tristesse de sa mère est marié à Caroline une  » Mahboula » convertie à l’lslam. Ces personnages ont en commun d’avoir le cul entre deux chaises. Eva la petite fille de Mima qui n’a jamais été en Algérie, l’exprime clairement  » Le va et -vient entre deux mondes qui se lorgnent mais qui jamais ne se regardent, cela me fatigue. Je ne sais plus qui je suis, Française tout court, française à moitié, trois quarts, d’origine arabe, à moitié picarde, à moitié algérienne Je ne sais plus, c’est confus »

Une série télé aurait pu s’emparer du sujet en nous donnant à voir les épisodes succulents d’une comédie où le spectateur voyeur jouirait de sa capacité à faire irruption dans un folklore désuet auquel il est par bonheur étranger. Le talent de la romancière Sabrina Kassa , son authenticité fait ,qu’à la fois dehors et dedans, elle porte un regard respectueux et bienveillant sur des personnages attachants. Journaliste, elle sans complaisance vis à vis d’elle même et de sa profession. « De toute façon, avec ou sans le bla bla des journalistes, le monde aussi lui est devenu incompréhensible »

Ici, la vulnérabilité de ceux qui sont aussi de là- bas devient un élément de force. La fragilité relative des déracinés permet de comprendre le malaise de tous les individus mondialisés sans port d’attache, incapables de comprendre ce qui leur arrive.

Bien sûr il est hors de question de lever le voile sur la conclusion désopilante et prometteuse du livre. Les femmes, qui dans la culture maghrébine, n’ont pas la place qu’elles méritent devraient pouvoir l’apprécier.  » C’est surtout le sourire des femmes qui a pris de l’éclat. C’est si rare d’entendre des histoires qui les mettent en valeur »

La tendresse de l’auteure ne va pas sans humour et même ironie. En effet à un « i »près on pourrait des Zemmouri d’origine arabe passer chez les juifs. D’ailleurs il n’est pas exclu que parmi les ancêtres des Ounessa il y ait des juifs Aujourd’hui Eva a un petit ami de confession israélite. Mais n’en déplaise à un sinistre Zemmour, quelle importance !  Avant que des états pervers ne les montent les uns contre les autres, juifs et arabes fraternisaient avec bonheur.

L’amour de la vie n’a que faire des châteaux de cartes identitaires. Le rappeler avec force aujourd’hui est une priorité. Tout simplement.

François Bernheim

Sabrina Kassa Un Noêl chez les Zemmouri. Éditions Emmanuelle Colas


(1) 1er roman: Magic Bab el-Oued. Éditions Emmanuelle Colas Avril 2019


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Site web

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.