Sur le territoire plus ou moins encombré des idées et des positionnements adoptés par ceux qui les émettent, Raphaël Glucksmann occupe une place particulière. Fils d’André Glucksmann,  il a vécu de près la mise en question des grands systèmes idéologiques considérés comme un moteur de transformation sociale. Par ailleurs il est de ceux qui loin de se contenter d’observer l’évolution de la société, ont résolument mis les mains dans le cambouis afin de faire bouger les choses. En clair cet homme là fait ce qu’il dit et dit ce qu’il fait.

Aujourd’hui devant une gauche en miettes, la montée de l’extrême droite, le renforcement des régimes dictatoriaux, la pandémie, les catastrophes climatiques il y aurait tout lieu de pleurer, de se résigner.«  There is no alternative »  proclamaient déjà les Margaret Thatcher et Ronald Reagan. Depuis les prises de parole fatalistes n’ont fait que s’accumuler. Distillées à longueur de médias, comme une véritable drogue ne visant qu’à l’asservissement des peuples, elles tentent de faire passer la préservation des intérêts de ceux qui les émettent pour un constat objectif. Si les responsables politiques sont incapables de sortir de leur zone de confort, ce n’est pas qu’ils n’en ont pas les moyens, mais qu’ils ont renoncé à exercer leur volonté. Cajolés ou critiqués par les médias, ils occupent le devant de la scène en offrant à chacun le piteux spectacle de leur impuissance. Il y a là pour Raphaël Glucksmann, un gigantesque leurre.  Qui donne le pouvoir aux hommes politiques ?  Le peuple. C’est donc au peuple de se mobiliser pour exercer en pleine réalité le pouvoir qui lui revient. Aucun combat ne peut être gagné s’il n’est pas mené. « Occupy Wall Street » aux Etats Unis, « Les indignés » en Espagne, « les gilets jaunes » en France démontrent bien qu’aujourd’hui les forces populaires sont capables de se mobiliser, sans que pour autant, il y ait une structure pré-existante qui  les soutienne. La lettre écrite à ceux qui vont tout changer, s’adresse à une génération que les mythes fondateurs ne concernent plus et c’est paradoxalement une chance, ils ne peuvent être nostalgiques de la lumière, habitués qu’ils sont à la pénombre. L’incertitude que les générations d’avant ont ignoré a toujours existé. Elaborer des projets face à l’incertitude n’est un obstacle que si on oublie que toute avancée nécessite une prise de risque. C’est l’absence de prise de risque qui décrédibilise la sphère politique. Aujourd’hui comme le souligne Raphaël Glucksmann, c’est la prise en main du fait humain qui va mobiliser une génération peu sensible à des modes de pensée en surplomb du réel.Parler concret c’est s’inscrire dans la vie vécue, ses difficultés mais aussi ses aspirations. Le parti communiste chinois procéderait à un génocide de la population Ouïghour dont personne ou presque n’a entendu parler en Occident. Les chinois auraient mis en place des camps de concentration et à travers le travail forcé, procéderait à une exploitation éhontée de cette population. Raphaël et ses amis enquêtent. Les informations  sont à portée de la main, à condition de bien vouloir sans saisir. Ni les médias ni les responsables politiques ne sont concernés. Le buzz, qui deviendra un raz de marée se construit à partir des réseaux sociaux. Une génération emprise de justice s’est saisie du pouvoir d’agir. Concernant les réseaux sociaux, on sait qu’ils sont capables du pire, mais c’est à nous de démontrer  qu’ils peuvent aussi assurer le succès de causes justes.

La génération d’avant avait la ferme intention d’abattre le capitalisme. Un acte symboliquement puissant, la révolution, autorisait un changement radical. Aujourd’hui Raphaël Glucksmann démontre que l’on peut faire reculer les grandes marques qui par l’intermédiaire de leurs fournisseurs sont complices de l’exploitation de populations prisonnières du pouvoir chinois. C’est ainsi que le parlement européen a dans sa grande majorité voté l’obligation pour les marques d’un devoir de vigilance. Aujourd’hui cette génération est prête à exercer le pouvoir auquel bien des ainés ont renoncé. Sur les décombres d’une vieille gauche restée dans sa zone de confort plutôt qu’à l’écoute, cette jeunesse ne peut intégrer les discours abstraits. Seule une approche factuelle peut la mobiliser. Alors plutôt qu’un long blabla sur le libre échange l’auteur recommande plutôt de raconter les aventures et mésaventures d’un poulet brésilien  et des kilomètres insensés qu’il devra parcourir avant d’atterrir dans votre assiette. L’histoire n’est jamais écrite d’avance. Au choix c’est le renoncement ou la volonté des humains qui la font. Avec Raphaël Glucksmann faisons donc le pari du meilleur.

François Bernheim

Raphaël Glucksmann Lettre à une génération qui va tout changer. Allary Editions


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