« Tous les hommes désirent naturellement savoir »

Nina Bouraoui a emprunté le titre de son dernier roman à Aristote. Pendant des siècles et des siècles on a pu quand on parlait de  » l’homme  » non seulement évoquer  le sexe masculin, mais également l’humain dans sa globalité. Prendre cette citation pour titre quand on est femme et féministe, pouvant dans son intimité se passer des hommes, ne manque ni de sel ni d’humour.

Pourquoi son livre me touche infiniment ? Parce que Nina Bouraoui en grande bâtisseuse construit un espace où une existence en proie aux les émotions les plus bouleversantes comme à une extrême violence est révélée par l’écriture la plus rigoureuse et précise qui soit. Face au racisme des français vis à vis de son père algérien, face au racisme des algériens vis à vis de sa mère française ayant rejoint son père en Algérie, face  à sa propre condamnation de son homosexualité, Nina Bouraoui ne peut emprunter qu’un seul chemin, celui de l’écriture. Mais comme elle l’écrit » l’écriture n’apaise pas, c’est le feu sur le feu » L’écriture, justement, parce qu’elle la met en danger, parce qu’elle expose l’auteure à livrer combat contre d’autres énigmes, d’autres violences, lui révèle sa propre identité. Au-delà de l’Algérie, de la France et de l’homosexualité, elle est Nina Bouraoui un être de croisement, complexe, faisant face à ses contradictions comme à son exigence de romancière. Le point précis où ses différentes routes se rencontrent est une place-forte, ouverte à toutes les tempêtes ,à toutes les passions. L’Algérie de Nina n’est pas seulement celle des années 90, où l’on égorge comme on peut dire bonjour, elle est aussi et surtout celle de son enfance, charnelle, sensuelle, parfumée, libre. » La France, c’est le vêtement que je porte, l’Algérie, c’est ma peau livrée au soleil et aux tempêtes »  Celle qui écrit au scalpel est en filigrane une femme d’une infinie tendresse, ni dominante, ni soumise. Celle qui à 18 ans, la honte au ventre, se frayait un chemin jusqu’au Katmandou, lieu de prédilection des homosexuelles parisiennes  appartenant à toutes les classes sociales, est aujourd’hui une femme libre incapable de tricher. La justesse de ses mots ajoute encore à la beauté de la personne. La regarder prendre la parole au cours d’une émission de télévision est un plaisir rare. Il participe de la séduction d’une femme qui ne fait absolument rien pour vous séduire. Ainsi elle donne à voir son être profond en osmose inouïe avec son physique. Ainsi, pour une fois la gent masculine au repos, est en mesure de  se laisser aller à goûter une sensualité dénuée de toute  volonté de conquête. Respect ému pour une si belle auteure.

 

François Bernheim

Nina Bouraoui

Tous les hommes désirent naturellement savoir

éditions JC Lattès

 

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