Fin de partie ?

 

« Campagne » est un  livre,  hors camp, de 64 pages, publié par les éditions Fidel Anthelme X. Il s’agit d’un travail collectif mené de décembre 2016 à juin 2017 dans l’arrière-boutique de la librairie associative Transit à Marseille. Colas Baillieul, Catherine Barles, Hadrien Bels, Alain Castan, Dominique Cerf, Frédérique Guétat-Liviani, Sarah Kéryna, Michel Maury, Muriel Modr, ont capté quotidiennement « les propos à demi-voix, les hurlements, l’ordurier, le sentencieux, le diffamatoire, le bienveillant, les programmes des écolos, des fachos, des soumis, des insoumis, la guerre des mots, les batailles de clochers, les expéditions en territoire hostile, les offensives, les prospections, la propagande ». Capteurs actifs : « l’entendu n’est pas séparé du perçu ». Collecter n’est pas ratisser. Mémoire et sensibilité opéraient un premier tri. Chaque mois, le collectif se retrouvait pour partager, discuter, découper, monter, afin de témoigner. « Car nous refusons la noyade dans le flot de discours, d’images, de meetings, de tracts, qui nous entraînent dans la confusion » ( 1)

Faire campagne comme le rappellent les auteurs ou plutôt nos témoins capteurs de flux, consiste à ratisser le terrain afin de gagner un maximum de suffrages. Faire campagne, c’est un peu faire la guerre, conquérir au moins une voix de plus que l’adversaire. Que le prix à payer aille jusqu’à la perte de sens, voire la disparition ou effacement d’un nombre croissant de protagonistes ne semble pas effrayer outre mesure les différents chefs de guerre.

Mais n’oublions tout de même pas qu’il est encore possible de participer, rien que pour le plaisir, à une partie de campagne ou même de laisser son esprit battre la campagne, expression plus ludique que guerrière.

La démarche de la belle équipe réunie par Fidel Anthelme X n’est en rien celle de sociologues. Elle est plutôt celle de poètes persuadés qu’il n’est possible de faire de la politique qu’en écoutant tout l’exprimé d’une époque. Une voix ce n’est pas seulement un bulletin de vote, c’est d’abord une parole. On a trop raconté d’histoires au peuple, il est temps de lui laisser raconter la sienne.

Le propos peut choquer :

-« Tu vas le passer où Noël ?

– dans ton cul »

Il peut aussi être malheureusement en phase avec le ressassement  médiatique :

  • «  il y a trop d’assistés dans ce pays »
  • « C’est pas normal. Les taulards quand ils sont malades ,l’état les soigne… »

Sans oublier la kyrielle  de préjugés  et incohérences que trimbalent les uns et les autres :

« Le gadjo ma parole, tu as vu c’est un pédé. Il sort pas, il a pas d’amis, il est toujours devant l’ordinateur, tous ses amis c’est des filles, on l’a jamais vu avec un mec à mon avis c’est louche »

Il se pourrait aussi qu’à force d’être trahis, il ne nous soit plus possible d’y croire. Fin de cycle, fond du trou, désespoir ?

Qui sait ?

« Je n’irai pas voter, c’est fini, je ne vote plus, d’ailleurs je ne fais pas partie de l’histoire, d’aucune histoire. »

Fort heureusement certains propos peuvent laisser penser que notre humanité n’est pas totalement perdue. Ainsi à propos du Front national « C’est des gens qui sont paumés, ils ont peur de l’avenir, ils ont de petites retraites, ils se sentent pas pris en compte…… Il faut aussi les comprendre ; Moi je crois qu’on peut discuter avec eux, au contraire si tu te braques ça va leur donner encore plus de raisons de penser qu’ils sont méprisés »

Et pourquoi pas l’espoir ?

«  C’est beau le peuple qui se reprend en main »…

« Nous, la différence, c’est qu’on était toujours du côté des opprimés… »

 

Au-delà de l’orientation et du sens de tel ou tel propos, Il se pourrait bien que les poètes soient de plus en plus aux avant-postes d’une démocratie à venir, défiant toutes nos pseudo urgences. La connerie serait de penser que l’autre, celui qui ne pense pas comme nous, ou qui n’a pas les mêmes préjugés que nous, est un con. Voilà un livre et une démarche qui, heureusement, pourraient bien nous en dissuader.

François Bernheim

 

(1) Voir préface du livre et article de François Uglo sur Sitaudis

 

Frédérique Guétat-Liviani anime les éditions Fidel Anthelme X  voir la page Facebook des éditions., pour mieux connaitre leurs publications.

 

La librairie Transit dirigée par Alain Castan se trouve 45 bd de la libération dans le 1er arrondissement de Marseille

 

 

 

 

 

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