Vingt et un an que je proclame

Ma flamme et mon appartenance

Corps et âme à dame Marianne

Mais pour toutes réponses à mes doléances

Elle me balance à la figure ; à cause de ma différence

L’infériorité de mon ascendance

Et son immense mépris pour mes croyances

Sous couvert d’état d’urgence

Elle me condamne au charme de la déchéance

M’assigne à résidence

Dans mon ghetto, ce haut lieu de plaisance

Où elle m’a exilé depuis ma naissance

 

Alors je me dis : tant pis je lâche l’affaire

Y en marre de servir d’éternel bouc émissaire

Moi aussi je veux verser dans la surenchère

Des discours plein de fiel identitaire

Et plaider la main sur le cœur la peur

De perdre ce que j’ai de plus cher

Aussi, je me lâche, cette fois ci je passe

De l’autre coté de la force intérieure

Face à mes propres échecs, mes erreurs je crache

Ma haine des autres et de soi, mon aigreur

Place aux propos abjects

Aux pensées primaires et infectes

J’accepte de mettre aux oubliettes

Ce qui fait de moi un être humain

Doué de raison et de compassion pour son prochain

Les temps sont à l’inquisition

A la ratonnade, au rejet, la discrimination

Au diable les étiquettes

Le politiquement correctes

Il n’y a plus honte ni déshonneur à être

Un gros facho de la casse de la race à la Morano

Il suffit que je me fasse comme Valls

Deux ou trois amigos blancos

Et mes propos passeront crème aux infos

Quoi de plus jouissif

Y a t-il plus grand kiff

Que de s’affranchir de tous les tabous

Après tout l’homme n’est-il pas un loup

Pour ses congénères, aussi de loin je préfère

Etre en haut de la chaine alimentaire

Que de servir de chaire fraiche à des bêtes sanguinaires

Tous ces migrants clandestins amassés à nos frontières

Venus nous ôter de la bouche notre miette de misère

Nos modèles, nos intellectuels

Même notre nouvel immortel philosophe

Finkelkraut et son ami BHL nous martèlent

Nous prédisent les pires catastrophes

Sur les antennes radio et toutes les chaines télé

Si nous ne changeons pas notre logiciel de pensée

Et si nous écoutons encore les délires de ces énergumènes

Qui nous parlent à tort et à travers de valeurs humaines

Tous ces agités du bocal

Qui nous saoulent depuis

Plus de deux décennies

Sur les dangers du Front national

Tout ça parce que des héros

Des patriotes ont eu le courage ultime

De tuer d’une balle dans le dos

Un petit noir prénommé Ibrahim

En plus ils ont le culot

De réclamer un bâtiment, une rue à son nom

Pour paraît-il le devoir de mémoire

Envers les futures générations

Ben voyons ! Comme si notre histoire

Nous a déjà été d’un quelconque enseignement

Comme si les blancs et les noirs

Pouvaient être égaux

Non mais ils se croient sans doute en musulmanie

Ou peut être chez les négros

Ici ce n’est pas le pays de La Boétie

Mais de Voltaire et de Rousseau

Une république certifiée laïque

Et de tradition judéo chrétienne

Par le théorème Ménard-Zemmour-Lepen

Donc il est tout à fait logique

Que des musulmans

Ne puissent pas avoir exactement

Le même rang que les catholiques

Lucifer notre père qui es aux enfers

Que ta volonté soit faite au ciel comme sur terre

Pardonne-nous nos bonnes manières

Délivre-nous de la charité chrétienne

Et de nos élans humanitaires

Que ton règne pour des siècles vienne

Et donne-nous notre haine quotidienne

Amen

 

 

Pardon Chibaco

Pour ces propos nauséabonds et obscènes

Mais vois-tu frérot

Devant les idées du FN qui gangrènent

Tous les autres partis du pays

Parfois j’avoue j’envie

Ces moutons collabos qui construisent sur la haine

D’autrui leur vie

Pour chaque souci, chaque problème

Ils ont ou s’imaginent des ennemis

Sur qui se décharger de leur déveine

Ou tuer leur ennui

Oui hélas minot, rien de nouveau

Sur le front des luttes anti conos ou contre le capital

Les fachos imposent toujours leur sinistre tempo

A des démagos démocrates en pleine crise morale

Une gauche en perte d’idéal qui se droitise à force d’injustice sociale

Et une droite libérale qui se fascise à chaque échéance électorale

Des experts en fourberie appelant sans cesse au sacrifice

Des plus démunis pour mieux asseoir leur pouvoir de nuisance

Leur totale allégeance aux puissances de la finance

Conserver leurs acquis et privilèges en faisant fi de la justice

Oui mon cher Ibrahim

Leur arrogance infinie n’a d’égale que leur insigne hypocrisie

Aussi pour cesser le mépris qu’ils ont vis à vis de nos vies

Il faudrait ressortir les guillotines

Malheureusement ta courte existence nous a appris

Ainsi que les injonctions maternelles de KoKo Mbélizi

La tolérance, la dignité, la résilience

La justice à tout prix plutôt que la vengeance

Alors nous allons rester forts

Et ne pas laisser les coups du sors

La colère et les remords

Nous faire perdre le Nord

Ou verser dans la prose crasse et les insultes gratuites

Car la paix et la tolérance était ta seule ligne de conduite

Tu étais fils unique

Mais combien de frères et sœurs

Te portaient dans leur cœur

Bien avant cette nuit tragique

Depuis combien d’étrangers

Pleurent ton absence

Et battent sans relâche le pavé

Pour réveiller les consciences

Luttant conte leurs démons

Afin de ne pas péter les plombs

Vingt et un ans que nous sommes entrés en résistance

Dans la douce France des droits de l’homme hétéro blanc

Nous autres, et les femmes, et les gouines, et les gays, et les trans…

Avec un peu de chance connaitrons ce joli concept à la fin des temps

Mais qu’importe leurs sales manigances

Ils n’auront pas notre haine de la France

Donc au diable les appels au suicide

Des chantres des guerres de civilisations moribondes

Leurs croisades, leurs djihads morbides

N’auront jamais raison de nos convictions profondes

Que chaque homme n’est que la somme de son éducation

Et des moyens qu’on lui donne pour s’épanouir

Personne ne vient au monde mauvais ou bon

Aimer ou haïr, chacun est libre de choisir

Alors nous allons poursuivre notre chemin de croix

Jusqu’à ce que Mère Patrie nous prenne dans ses bras

Et nous fasse enfin sentir son doux parfum d’égalité

En priant que jamais la rancœur ne chasse notre part d’humanité

 

Mbaé Soly Tahamida

21 février 2016

 

 

 

 

M’Baé Tahamida Mohamed dit SOLY est poète, chanteur, compositeur, animateur social à Marseille.Totalement investi, ouvert aux autres, il est un acteur humain et artiste remarquable. Le 21 Février dernier il a organisé le 21ème rassemblement à la mémoire d’Ibrahim Ali assasiné 21 février 1995 par un colleur d’affiche du Front National. Ce soir là vers 23h00, il court avec les membres du groupe de rap B.VICE dans la rue Lechatelier, dans le XVe arrondissement de Marseille, pour attraper le dernier bus de nuit qui dessert leur quartier. De retour de leur répétition pour un concert en faveur de l’association Sol En Si, ils veulent rentrer au plus vite à la savine car beaucoup sont affamés pour cause de ramadan. Peu avant le carrefour des Aygalades, les premiers jeunes croisent trois colleurs d’affiches du Front National qui décident de les poursuivre en voiture. Mais apercevant dans le rétroviseur de la 205 un second groupe de jeunes venant dans leur direction, ils s’arrêtent au feu rouge. Ils descendent de leur voiture et commencent à tirer dans le tas. Ibrahim est atteint d’une balle perforante dans le dos et s’effondre dans les bras d’un de ses amis.

 

Blog : www.mtsoly.overblog.com

 

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