AVT_Mona-Chollet_5072Hasard du calendrier ou non, je lis simultanément le livre de Mona Chollet « CHEZ SOI, une odyssée de l’espace domestique » -éditions Zones Et « PODEMOS sûr que nous pouvons » le manifeste écrit par les leaders de ce mouvement (éditions Indigène) et la même bouffée d’oxygène me remplit la poitrine. Sans faire la moindre concession au marketing des idées, les auteurs des deux ouvrages brisent le même tabou. Plutôt que de partir de concepts intellectuels établissant un clivage entre ceux qui pensent et ceux qui se contentent de vivre au quotidien, ils ont regardé, écouté les femmes et les hommes qui se débattent chaque jour avec leurs problèmes, angoisses et espérances en s’interrogeant sur ce qui pouvait les lier les uns aux autres. Plutôt que de partir d’un discours qui est celui de la gauche critique, Mona Chollet intègre les éléments qui le sous-tendent à l’intérieur de la maison. Qui ne souhaite se poser entre quatre murs et se trouver dans cet espace en harmonie avec soi même et son environnement ? Les intellectuels issus du moule élitiste d’hier et les capitaines d’industrie ont au moins un point commun. Ils méprisent ce qui est domestique. Ce n’est pas le cas de Mona Chollet qui par ailleurs préfère réfléchir sans entrave plutôt que de satisfaire à l’esprit binaire. D’un côté il y aurait ceux qui casaniers préfèrent rester chez eux et de l’autre côté les grands voyageurs aussi intrépides qu’aventureux ! L’expérience prouve que ceux qui parcourent des milliers de kms ne partent pas forcément très loin, alors que les voyageurs en chambre en prenant le train de l’imaginaire nous emmènent à l’autre bout du monde. «  Bouvier rappelle d’ailleurs la forte réplique de Blaise Cendrars à Pierre Lazareff qui lui demandait s’il était réellement allé jusqu’à Kharbine ( Mandchourie )– Qu’est-ce que ça peut te foutre, puisque je t’y ai emmené ? – »

En ces temps de perte de repères, construire un livre en s’appuyant sur les fondations domestiques témoigne de la sagesse et la malice de l’auteure. Nous avons trop été exposés au froid voire à la glaciation des idées pour ne pas apprécier de pouvoir nous réchauffer à la flamme du foyer. Alors nous pouvons accepter de refaire le monde, de défaire les verrous domestiques qui entravent la liberté des femmes. La critique de l’ordre établi a plus de chance de faire mouche, si nous acceptons d’ouvrir la porte de notre maison. Si L’oréal a le droit à longueur d’espace publicitaire de seriner aux femmes qu’elles le valent bien, pourquoi ceux qui luttent pour une meilleure retraite ou un meilleur salaire ne le vaudraient-il pas eux aussi ?

Plutôt que de condamner lapidairement ou encenser béatement la modernité du net, Mona Chollet a préféré plonger dedans. Tous les accros du virtuel peuvent se sentir en terrain d’affinité avec elle et ainsi l’entendre quand elle évoque les dangers de cette addiction. Habiter chez soi, c’est être bien avec soi et privilégier l’harmonie plutôt qu’une esthétique sans âme partagée par beaucoup d’architectes de renom. Joseph Wresinky, le fondateur d’ATD Quart Monde l’avait bien compris, lui qui exigeait que les maisons des pauvres soient belles. On n’habite pas une maison comme on claque dans ses doigts, il faut permettre au temps de donner sa patine aux choses. Réparer plutôt que jeter c’est se donner la chance d’être accompagné, d’utiliser les objets, les choses sans être prématurément usé par leur mise au rencart. Le livre de Mona Chollet pourrait bien être une maison à roulettes, équipée d’un puissant moteur…

 

François Bernheim

 

CHEZ SOI – une odyssée de l’espace domestique de Mona Chollet

éditions Zones

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