Avez-vous vu « Pourquoi j’ai pas mangé mon père » ? Moi non plus. Mais j’ai lu « Pourquoi j’ai mangé mon père », judicieusement sorti en poche. C’est le récit de l’histoire de l’humanité depuis l’époque où elle cessait tout juste de se rattraper à la branche simiesque de la famille, joyeusement mené par Roy Lewis, un auteur anglais, érudit et plein d’humour.

Australopithèques et pithécanthropes, avant de devenir les jurons favoris du capitaine Haddock, précédaient Homo Sapiens dans la cohorte des siècles. En ce temps-là, la tribu féline est la classe dominante. Des lions, des tigres, des machérodes qui n’en finissent pas de disparaître, handicapés qu’ils sont par la taille de leur arme mortelle, les redoutables dents de sabre. Bien mieux nourris que les malheureux hominidés, des mal logés obligés de regrimper aux arbres au moindre danger. Pour eux, c’est baies, racines ou légumineuses. Larves et chenilles les jours de fête, et pour arrondir la ration de protéines sous peine de ne jamais évoluer. Et dès que les grands fauves se sont repus de leurs proies, des hordes de papys charognards tentent de précéder les hyènes, les chacals et les vautours au grand festin de restes. Crus, puisque le feu, ils l’ont vu, mais ne le possèdent pas. Édouard, un patriarche et chef de horde au cerveau fertile et déjà capable d’abstraction, le dérobe alors au flanc d’un volcan pour le plus grand bénéfice de ses femmes-sœurs et de leurs enfants. C’est là que tout change, qu’un destin semble apparaître à l’horizon. Armé du feu qui terrorise les animaux, on peut déloger les occupants des cavernes. Un habitat chaud et confortable, comme en rêve Madame Australopithèque ! Cette 1ère avancée technologique modifie en profondeur la vie de la famille d’Edouard. Il permet d’avoir chaud et de ne plus vivre dans la peur. De fabriquer des lances à pointe durcie, bien plus efficaces que les simples javelots de bois. Nos misérables ancêtres sont donc bien mieux nourris. Et leur habitat sédentaire leur permet de s’intéresser sereinement à leur environnement, de devenir de fins botanistes. Mais il faudra encore des dizaines de milliers d’années et bien des hectares de forêt incendiés pour apprendre les secrets de fabrication du feu. Avec le charbon de bois, on trace des signes et on invente l’art figuratif au passage.

A partir de là, tout change. La horde devient tribu. Elle pratique l’exogamie en cessant de s’apparier entre frères et sœurs et en allant razzier des femelles étrangères, ce qui lui permet de découvrir une toute nouvelle expérience subhumaine, celle de l’amour.

On est en route vers une nouvelle espèce qui se lance dans la savane et dans le monde. Et ceux qui, tels Oncle Vania, le frère d’Edouard, ont choisi de rester dans les arbres resteront des grands singes, des écolos rabat-joie.

Tout au long du voyage qui se déroule bien entendu au pléistocène supérieur, nos créatures rencontrent d’autres tribus avec qui échanger quelques coups de matraque mais aussi confronter et enrichir leurs connaissances, des Néanderthaliens et quelques Yétis. Au cours de cet interminable âge paléolithique, leur cerveau évolue et leur fournit la pensée intuitive. Qui fera éclore l’art de la cuisine, mais aussi la musique et la danse. A partir de là, on commence à distinguer homo sapiens et ses caractéristiques sur la ligne de départ pour la maîtrise du monde. Merci Edouard.

 

Marie Hélène Massé

 

 

 

 

Pourquoi j’ai mangé mon père

Roy Lewis  collection Babel / Actes Sud

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