L’Angleterre décrite au plus près par le très british, sarcastique et impitoyable Martin Amis, c’est Diston et ses habitants, qui ne se font pas couper des costumes sévères à Savile Row.

« Diston, ses écolières enceintes, ses jeunes édentés à sweats à capuche, ses gars de vingt ans asthmatiques, ses trentenaires perclus d’arthrite, ses quarantenaires impotents, ses cinquantenaires déments, ses sexagénaires inexistants. »

 

Lionel Asbo habite Diston. A 21 ans, il n’a jamais eu d’autre home.  Il en a le curriculum vitae typique : à trois ans et deux jours, il écope de sa première ordonnance restrictive pour avoir lancé des pavés sur des voitures. Puis très vite vols de vélos, de mobylettes, de scooters. Avec comme enchaînement logique les vols à l’étalage, cambriolages, exclusion de l’école, tribunal pour mineurs. Car on n’en est qu’à l’adolescence. Il est en piste pour devenir un criminel de carrière. Il apprécie la prison, il sait en réchauffer l’ambiance. Elle ne peut avoir sur lui de rôle éducatif, il a décidé une fois pour toutes de ne jamais apprendre. Jamais. Son nom, Asbo, il l’a choisi lui-même. Il est né Lionel Pepperdine, mais toutes ses condamnations l’ont  amené à apprécier les AntiSocial Behaviour Orders (mesure contre le comportement antisocial). Il a 21 ans et vit avec son neveu de 15 ans, Desmond Pepperdine, dont il est également le tuteur et une paire de pitbulls psychopathes dressés à la bière et au Tabasco. On pourrait craindre le pire pour le jeune Desmond, et il faut dire qu’il consterne son oncle : c’est un collégien assidu, il apprécie la poésie et passe plus volontiers son temps à lire qu’à casser les vitres du voisinage. Desmond a cependant un secret bien lourd. Il couche ave Grace Pepperdine. C’est sa grand-mère. Il faut dire que comme elle a eu sa fille à 12 ans, puis que cette même fille a eu son fils également à 12 ans, elle est encore fringante. Mais c’est la mère de Lionel, qui ne transige pas sur les valeurs familiales.

 

La vie pourrait s’écouler benoîtement à Diston City, entre tabassages, boutonnières au couteau et règlements de compte sanglants, mais Lionel échoue une fois de plus en prison. Rien que la routine, mais cette fois-ci, le sort veut qu’un billet de loto arrive entre ses mains et qu’il gagne une très grosse somme. Il devient la proie des paparazzis, le héros des tabloïds, une superstar moderne que l’Angleterre se délecte de détester. L’Idiot de Diston, le Voyou du Loto, ça lui est égal, les critiques se fracassent sur ses grosses cylindrées régulièrement embouties, et à ses fiancées spectaculaires, il préfère toujours Cynthia et Gina, de Diston. Il n’est pas heureux. Il n’est pas triste. L’argent ne le changera pas. Au fil de l’histoire, on finit par soupçonner qu’il n’est d’ailleurs pas si bête.

 

C’est de l’humour, on n’en doute pas. Martin Amis n’est pas Anglais pour rien. Mais c’est aussi une dénonciation furieuse de notre société contemporaine et de sa criante vulgarité.

Martin Amis

Lionel Asbo, l’état de l’Angleterre

Editions Gallimard Collection du Monde entier

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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