Une voix raconte l’histoire. Elle n’est pas étouffée, elle est forte, pourtant elle vient de sous la terre. Celle d’un nourrisson né prématuré en pleine nature, dans un bush australien réputé difficile. Sa mère vient de lui trancher la gorge. Pourtant le bébé ne lui en veut pas. C’est sa mère. Et puis, quelle importance ? « La mort est un lieu magique. »

Vivre libre. C’est tout ce que demande Jessie Hickman. Courtney Collins, l’auteur de Sous La Terre raconte à sa manière l’extraordinaire histoire de cette femme, une bushranger qui a réellement existé dans l’Australie des années 20. Les temps étaient rudes, les hommes plus rudes encore. Jessie, connue également sous les noms de Jessie Bell, Jessie Hunt ou Jessie Payne selon les identités qu’elle prenait pour la police, était une grande voleuse de chevaux « très respectée dans le milieu. »

 

Quand ce formidable roman commence, Jessie vient de tuer le père de l’enfant, une sombre brute qui la maintenait dans un quasi esclavage en la faisant chanter. Elle sort de prison et en tant que mari, Fitz a un statut de tuteur. Il l’associe à ses vols de chevaux et menace de la dénoncer pour la renvoyer en prison. Enceinte, pensant qu’elle aura une vie à protéger du tyran violent, Jessie prend sa décision avant de s’enfuir vers les montagnes. Rompant toutes les attaches, elle n’emmène que son cheval, nommé Houdini, comme l’illusionniste fameux, « roi de l’évasion ».

 

A son insu, elle est pistée par l’étrange sergent Barlow, fou à lier et héroïnomane et par Jack Brown. C’est un homme au sang mêlé, de père irlandais et de mère aborigène, et qui n’est donc reconnu ni par les Blancs, ni par le peuple autochtone. Il était traqueur pour le défunt Fitz. Jessie et lui n’ont pas été loin de s’aimer malgré les risques encourus.

 

Loin d’être un simple récit d’aventures, le texte à la fois poétique et brutal révèle le monde intérieur de la fugitive. Il fait appel aux mythes de cette terre, les légendes aborigènes pour parler de la forêt « une griserie de parfum d’acacia et de miel », de la montagne, qui s’appelle Phantom Ridge et dont l’immensité se fond « de part et d’autre dans le flou »,  du monde du dessous, celui des cadavres, mais aussi de la nuit et des étoiles, du rêve et des constellations qui tournoient comme le jour de sa naissance : « Il y avait des constellations prises dans la toile du ciel visible et du ciel sous l’horizon » lui raconte son père. Et puis Jessie rêve, Jack Brown rêve, l’étrange Barlow rêve. Même un squelette de rencontre derrière un rocher rêve. Parfois, elle ne saisit pas comme des notions distinctes le passé, le présent et l’avenir. Seuls comptent une volonté de vivre animale, un espoir total même quand tout semble perdu, la recherche éperdue de liberté. Elle ne connaîtra de répit qu’en rejoignant une bande de fugitifs, pour une paix fugace.

 

Et quand Jessie sera finalement rattrapée, ce ne sera pas par une meute de chasseurs de prime lâchés à ses trousses, ni par le tandem Jack Brown Andrew Barlow, mais par un revenant, un fantôme de son passé.

 

Marie Hélène Massé

 

SOUS LA TERRE

 

Courtney Collins

 

Editions Buchet Chastel

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