Voila un manifeste singulièrement utile. Au moins pour trois raisons:

1/ La connaissance libère, elle est une arme.

Quelques uns d’entre nous le savaient déjà, mais il est fondamental de le rappeler. « Comme l’écrivait Max Weber : Nulle part l’intérêt de la science n’est à la longue davantage nié que là où l’on se refuse à voir les faits désagréables et la réalité de la vie dans sa dureté ; il est donc vital pour toute société de faire vivre cette science là » Le point de vue de Max Weber est d’autant plus intéressant qu’il suggère que ce qui est vital pour la société ne l’est pas pour les gens de pouvoir qui jour après jour fabriquent un discours tendant à occulter les fondements de leur domination. Le manifeste le rappelle à juste titre, invoquer la nature des choses  pour justifier la domination des classes supérieures sur le peuple, de l’homme sur la femme, du citoyen d’ici sur l’émigré est une escroquerie, une construction historique et non une fatalité. Ce que l’histoire a fait est assez contingent pour que la lutte des hommes puisse le défaire. Et c’est bien là que les sciences sociales sont dangereuses : elles éclairent dans leur crudité, une réalité que les gens de pouvoir veulent à tout prix dissimuler.

 2/ Ce manifeste est aussi et surtout celui de la colère.

Les femmes et les hommes de savoir qui l’ont signé ne veulent plus que leur savoir reste l’arme émoussée de l’entre-soi. Ils s’engagent. Ils s’engagent à inventer d’autres débats afin que le cercle de la connivence soit rompu. Première étape le Samedi 22 Juin à la Java à Paris (1) Cette colère, ce raz le bol qui dépasse tout académisme est essentiel. C’est la voix du réel retrouvé, une volonté de faire société avec l’autre.

 3/ Ce manifeste a l’immense mérite de poser de vraies questions.

«  Jamais les sciences sociales n’ont été si nécessaires, jamais elles n’ont été si menacées. Jamais elles n’ont produit autant de critiques des préjugés, jamais elles n’ont eu,relativement, si peu d’écho public. La limite du tolérable est franchie. Fini de jouer en sourdine. Cette mise sous silence doit cesser » Ces questions nous avons à nous les poser à nous même comme aux autres. Il ne suffit pas de répondre que l’intérêt des les forces réactionnaires  est de mettre le peuple à genoux. Pourquoi les dominés acceptent -ils l’inacceptable ? On peut esquisser quelques éléments de réponse :

-Est-ce bien sûr que le monde soit sommairement divisé entre oppresseurs et victimes de cette oppression ? L’opprimé à l’usine ne rentre-t-il pas à la maison pour battre sa femme ?

 – Cette domination ne ressemble t-elle pas à un viol ? Ceux qui le subissent, subissent aussi  la culpabilité et la honte de l’oppression.

 – Si ce dernier point était confirmé, il ne suffirait pas de pratiquer une déconstruction rationnelle des discours dominants, il faudrait aussi inventer des stratégies tenant compte de la peur et de la fatigue des opprimés. Victime, je sais dans quel monde je vis, j’y ai mes habitudes mes repères et je refuse de plonger dans l’inconnu fut-il libérateur.

La complexité du monde ne peut en rien constituer un alibi, une justification de l’inertie. La connaissance doit aller jusqu’au bout manifestement.

 François Bernheim

 

 

 

Manifeste

 

Champ libre aux sciences sociales : la connaissance libère.

 

éditions du croquant. LA DISPUTE

 

 

 

 

 

( 1 )

 

Pour le lancement de son Manifeste, Champ Libre vous invite toutes et tous à La Java samedi 22 Juin de 18h à 23h
105, rue du Faubourg du Temple – 75010 Paris – Métro Goncourt ou Belleville

 

Entrée libre
La soirée s’ouvrira et se terminera en musique, autour d’un buffet, avec du jazz manouche (puis, nuit musicale Animals are Debonton)

 

Au programme : « Révoltes ! »
– Pourquoi Champ Libre ? (Catherine LECLERCQ, Willy PELLETIER, Rémi LENOIR, sociologues)
– Contre les marchés financiers (Frédéric LORDON, CNRS)
– Contre les idéologues mondains (Louis PINTO, sociologue)
– Dans les « quartiers » (Stéphane BEAUD, sociologue, et Besoin d’Agir en Banlieue)
– Contre les inégalités à l’école (Bertrand GEAY, politiste et Marjorie GALY, APSES)
– Contre la ruine de l’hôpital (André GRIMALDI, professeur de médecine et Nicolas BELORGEY, sociologue)
– Dans les usines (Vincent GAY, sociologue, et des syndicalistes de PSA)
– Pour le droit au logement (Jean-Baptiste EYRAUD, Droit Au Logement, et Marie MAFFRE, réalisatrice de Ainsi squattent-ils)
– Contre le journalisme de complaisance (Jade LINDGAARD, journaliste à Mediapart)
– À l’université (Charles SOULIÉ, ARESER, et Artemisa Flores ESPINOLA, Collectif des précaires du supérieur)
– Contre le sexisme (le Collectif LA BARBE et Rose-Marie LAGRAVE, sociologue)
– Démocratiser la démocratie (Daniel GAXIE et Bernard LACROIX, politistes)

 

Modération : Marielle DEBOS, Claire LE STRAT, Romain PUDAL, politistes et sociologue.

 

 

 

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