Portrait de Perrine Dorin

artiste peintre et +

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Après Claire Seban, Serge Haguenauer, Nicolas Roméas, Philippe Dauchez, Sylvie Crossman, Tony Gatlif, Clarisse Rebotier ,voici le portrait de Perrine Dorin, peintre, plasticienne, écrivaine.Les personnes que nous rencontrons, ont  chacune un parcours de vie qui  leur appartient. Elles ont cependant en commun une exigence qui fait qu’en permanence leur éthique interroge leurs actes.

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photo Arielle Bernheim

Le pays des fées est aussi celui des sorcières maléfiques, des monstres sanguinaires et des imbéciles virulents. Pour éviter le pire certains cultivent l’ennui permanent. D’autres ouvrent la route à tous les possibles, s’élancent au sommet des montagnes, plongent dans les précipices. Ils jouent leur vie comme on joue à la marelle, en toute innocence. Parmi eux, une petite fille montée sur ressorts  rit très fort. Elle naît en 1969, année érotique, et s’appelle Perrine Dorin .

 

Fessée pour avoir trouver son chemin

Elle a deux ans et demi quand ses parents divorcent. Trop pudique pour exhiber sa douleur, elle s’applique avec  succès à être insupportable. Un jour la famille part se promener en Forêt Noire.Sa belle-mère ouvre un paquet de Treets et les mange une par une  la regardant droit dans les yeux, Perrine est choquée et très en colère… très vite elle fausse compagnie aux adultes. Son petit frère la suit. Ils ont respectivement 8 et 5 ans. La forêt est aussi dense que dangereuse. Au pied des arbres, des panneaux fluo indiquent la direction du village. La petite fille les suit jusqu’au bout et réussit à regagner la maison avant les adultes. Elle redoute le pire quand son père arrive quelques instants plus tard, et corrige sa fille à grands coups de ceinture. Elle, fière d’avoir retrouvé son chemin, de s’être « démerdée toute seule » subit une insupportable injustice. Les adultes ne comprennent rien. Perrine ne les a pas en meilleure estime aujourd’hui.

Vous que la peur  gouverne, vous qui êtes coupés de votre enfance comme de toute imagination et poésie, allez au diable !

 

Le plaisir comme exigence

Sa mère l’emmène voir les Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy. Révélation. La beauté des camionneurs  la fait rêver et au delà, le film est un hymne à la vie, à la joie, au plaisir, à la beauté.

2 heures 6 minutes de cinéma lui font comprendre l’essentiel.

En toutes circonstances, même quand une chape de plomb nous étreint, c’est le plaisir qui doit guider nos pas. La vie est faite pour se réjouir. Vivre en couleur transcende la gravité de l’existence.

Elle consacrera son existence à la danse, la chanson, la peinture et l’écriture.

Elle a voulu être fée puis bergère, désormais elle sera Demoiselle de Rochefort.

Mauvais et bons génies

Perrine est un buvard, une éponge, un radar. Elle  est capable d’absorber, de pleurer, d’anticiper.

A l’école, on se moque d’elle, on l’ignore, on la persécute. Trois horribles maîtresses lui donnent envie de tout arrêter.  L’une d’elles est suicidaire. Perrine sent toute sa douleur et n’en sera que plus méchante. La petite fille ne veut plus aller à l’école et ne veut plus grandir. Sa mère la met dans un établissement pour enfants en rupture. Situé dans un immense domaine elle est chargée de nourrir les animaux. La nouvelle maîtresse -une vraie fée-  lui redonne l’envie de lire et de travailler. Dominique le Doze ne peut pas avoir d’enfant. Mais à la fin de l’année scolaire elle tombe enceinte et Perrine accepte alors de grandir. L’une a fécondé l’autre et réciproquement. Le bébé s’appelle Camille Perrine.

A Veules les Roses vit son arrière grand père. L’homme est manchot, facho, antisémite, une horreur. Quatre vingt ans les séparent. Pendant quatre ans il est pour Perrine le plus merveilleux des complices. Pour elle il  dépose les armes et laissé l’ordure qu’il était au vestiaire. A 12 ans Perrine prend le train  pour aller passer une semaine chez son arrière-grand- père et lui taper son courrier. Il lui  raconte sa guerre, ses amours enfantines .Ils se livrent l’un à l’autre. Sur la fin de sa vie, il a su retrouver son innocence d’enfant. Ils ont passé ensemble de délicieux moments.

 

 

 

Dans le ventre du monde

Les caves et les greniers sont des lieux qui renferment tous les secrets. Perrine sait que c’est là que se cache le passé. Elle y passe beaucoup de temps, sans bouger espérant y découvrir le secret de sa naissance, pourquoi est-elle sur terre ?

 

Entrée des artistes

Pour être un artiste il faut être sensible, avoir du talent mais aussi « avoir des couilles ».

Est-il intéressant de vivre la vie que d’autres vous ont tracé ? Pour Perrine pas question de se conformer et tant mieux s’il faut prendre tous les risques. Son père dit qu’elle va passer « le bac chômage », elle n’en a cure. Etre comptable, manucure ou coiffeuse, c’est répéter à l’infini les mêmes gestes, c’est juste mourir à petit feu. Mais elle a des alliés de poids, les demoiselles de Rochefort bien sûr et un sacré coquin, Picasso dont elle a découvert l’œuvre. Qu’un adulte  puisse avoir un tel culot l’enchante. Le désir est premier, le plaisir suit, il irradie l’être qui devient capable de réjouir les autres.

Secouée, bousculée sur la ligne 13 du métro, elle fait face en dessinant sur un carnet petit format. Elle reprend en grand ses dessins utilisant une technique de marqueterie permettant d’imbriquer les éléments préalablement découpés dans des papiers fluo satinés..

Juin 2012, Perrine Dorin expose son travail au 6b à Saint Denis.

Pendant 15 ans, Perrine se consacre à l’éducation de ses enfants. Elle crée sans prendre trop de place. Elle chante, fait des claquettes, peint, dessine, écrit « Adorables putains », roman bande-dessinée, l’histoire de 4 adolescentes à la vie de famille ruinée, qui se livrent à des hommes.

Perrine est aujourd’hui décidée à créer « en grand » et  s’en donner les moyens. D’autres expositions vont venir, elle a des idées et un désir insatiable de création.

Où se situe – t-elle dans l’art contemporain ? A cette question ne pas répondre. Mais la nuit suivante elle rêve. Son interviewer lui pose cette même question et cette fois elle répond « à l’entrée »

 

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