Gaza j’écris ton nom

de Christiane Hessel Chabry

Editions Indigène

Ceux qui marchent contre le vent – 3 €

On ne ferait sûrement pas très plaisir aux supporters sans nuance de la politique israélienne en leur disant qu’ils ont au moins un point commun avec l’URSS  stalinienne : la logique binaire. Si tu critiques Israël, tu es l’ami des terroristes et donc l’ennemi de l’état hébreu . Bref, un bon juif ne peut que soutenir Israël. Un bon juif est donc celui à qui il est interdit de réfléchir, interdit de ne pas sectaire. C’est à la pure et simple transgression de cette logique mortifère que nous convie Christiane Hessel Chabry. Comme son mari Stéphane Hessel elle soutient la cause palestinienne , milite en toute clarté pour que justice soit rendue à ce peuple sans pour autant cesser d’être l’amie du peuple israélien . Ce petit livre de moins de 32 pages édité par Indigène fourmille d’informations aussi concrètes qu’utiles. D’abord sur la réalité de la bande de Gaza une bande de terre de 40 km de long et de 6 à 12km de large . Soit un territoire entouré d’une barrière de protection qui en fait une sorte de prison à ciel ouvert pour 1,5 millions de Gazaouis  victimes de crimes de guerre et soumis à l’asphyxie économique. Incidemment on se souviendra que les accords de L’Onu de 1947 prévoyaient que sur 44% du territoire de la Palestine historique  serait  créé un état arabe…. Peut être celui auquel  les Etats Unis comme Israël ont jugé bon de s’opposer,lors de la dernière assemblée générale de l’Onu. Israël a sanctuarisé ce territoire. Fort heureusement avec une femme de caractère comme Christiane Hessel Chabry, la mise en place d’un véritable parcours du combattant va à l’encontre de l’objectif poursuivi par l’occupant : «  Je ne peux nier que mon attachement à Gaza tient aussi au sentiment de victoire et de joie qu’on éprouve lorsque qu’on pénètre dans cette langue de terre après avoir franchi les check points de l’administration israélienne. Il faut au moins une fois dans sa vie avoir passé l’épreuve du check point d’Erez, entre Israël et Gaza, si l’on veut se faire  une idée de l’arbitraire »Mais l’intérêt du livre de C HC se situe aussi à un autre niveau. Très rarement l’engagement politique  a l’occasion de se situer au croisement du sensible et de la réflexion critique, et c’est heureusement le cas  de « Gaza j’écris ton nom » Nommée présidente d’honneur de l’association EJE,( les enfants, le jeu et l’éducation) c’est à ce titre qu’elle a effectué de fréquents et courts séjours sur la bande Gaza,  attachée à dialoguer avec ces enfants   traumatisés et coupés du reste du monde. L’association EJE, ne cherche pas seulement à aider des enfants à survivre à leur tragédie, elle les aide également à se réapproprier une histoire dont ils peuvent être fiers. L’association a par exemple organisé des rendez-vous téléphoniques avec le reste du monde permettant aux enfants de faire passer à l’extérieur ce qu’ils avaient à dire. Ainsi une petite fille de 10 ans nommée Haya  a choisi une chanson de Francis Cabrel pour communiquer avec les enfants d’Europe : Il faudra leur dire…

Leur dire quoi ? ce qu’ont subi, ce que continuent à subir les adultes et les enfants de Gaza. Quand la souffrance cesse d’être abstraite, quand elle a un visage, elle interroge l’autre, le renvoie à ses responsabilités et c’est juste qu’il en soit ainsi. Pour cette génération de juifs de la diaspora et c’est très important de se le remémorer, la création de l’état israélien en mai 1948, se faisait sur une terre non peuplée. Ils ont donc en toute bonne foi intégré le slogan «  une terre sans peuple pour un peuple sans terre ». Et il leur a fallu quelques années pour découvrir que les arabes  existaient….

C’est dire à quel point,  tous les juifs qui refusaient d’obéir à la logique identitaire sont  courageux. C’est  notre peuple et tous ceux qui osent le critiquer sont les ennemis d’Israël. Stéphane Hessel ,cité par sa femme a été très clair « Que des juifs puissent perpétuer eux- même des crimes de guerre , c’est insupportable »La portée de cette phrase interroge au plus profond le juif athée qui écrit ses lignes. Le peuple qui a subi le pire, qui a subi l’injustice radicale ne s’en trouve pas pour autant  dans la position du juste. Il est comme tout autre peuple ou individu comptable de ses actes. L’histoire n’a pas à faire crédit. Aucune injustice ne justifie une autre injustice. Que ceux qui ont assez d’humanité pour nous le rappeler sans sectarisme soient les bienvenus.

François Bernheim

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