Oh les beaux Jours !
Du 4 au 5 Avril La Boucherie littéraire et la Mairie de Cadenet faisaient salon: Les beaux jours de la petite édition , 5ème année. Juste le bonheur.
Est-ce possible de tout prévoir sans jamais égratigner la liberté de qui que ce soit ?
Est-ce possible d’éditer des livres pour l’amour des textes, le plaisir des yeux et du toucher à 200, 300 exemplaires ?
Les responsables de ces maisons d’édition qui doivent tout faire sans rien déléguer sont-ils encore des individus fréquentables ?
Toutes ces questions intéressent-elles d’autres fondus que ceux qui éditent ces livres ?
Le géniteur de ce salon se nomme Antoine Gallardo, le fameux boucher du Lubéron. Déjà de par ses initiales AG ( assemblée générale ) est multiple et le travail réalisé est stupéfiant. En toute discrétion et pudeur, il capable de tout organiser, exposants, logement, transport, débats, lectures, miam miam, boissons diverses, rhum de toutes les couleurs, etc , faisant en sorte que chacun , à son rythme, puisse goûter aux plaisirs de la découverte, de la rencontre, de l’échange et du moment présent. Bien sûr, pendant ces deux jours AG n’est pas seul, la merveilleuse Ivy et d’autres bénévoles accueillent les visiteurs avec autant de grâce que de gentillesse.
On en vient à penser que la densité, la fantaisie et le professionnalisme rigoureux des éditeurs présents , 32 pour 35 exposants est aussi sensible, appréhendable que la qualité littéraire ou poétique de leurs auteurs. Et c’est aussi à cette aune qu’il faut mesurer la qualité du salon. Un frémissement nous prend : Un livre pourrait bien avoir plusieurs auteurs ! Celui ou celle qui écrit, le lecteur, la lectrice, l’éditeur, l’éditrice.(1)
Oh la belle découverte !!! cela est vrai depuis la nuit des temps. Certes, mais on n’en parle pas. Le mérite de ce salon est bien de mettre à l’honneur le talent littéraire, poétique, artisanal des accoucheurs de livres et donc d’encourager des vocations nouvelles.
Les nouvelles technologies, associées au talent et à la volonté sans faille d’artisans qu’aucune corvée, obstacles , n’arrête, ont leur part dans cette réussite. Mais c’est en priorité l’originalité de démarches aussi volontaristes que susceptibles de capter l’aléatoire qui retient l’attention. Ici à Cadenet ce n’est pas la secte de ceux qui savent tout, la cohorte des spécialistes des vocations manquées et de l’entre soi qui est réunie. Ici la fluidité des échanges, l’exigence bienveillante de tous, force à comprendre qu’en 2015, petite édition ne signifie pas ,petite littérature, petite poésie, bien au contraire.
Toute personne aimant lire passionnément ou tout lecteur occasionnel peut donc saisir l’importance qu’il y a à exercer sa curiosité, à prendre des risques pour que vive la diversité, la pluralité des expressions littéraires et poétiques.
Dans un prochain article sur Cadenet on parlera plus spécifiquement des livres, mais aujourd’hui honneur aux éditeurs. J’ai déjà eu la chance de faire le voyage avec deux éditrices ne manquant pas de personnalité : L’une est Virginie Symaniec « les éditions du Ver à soie ». Ardéchoise et biélorusse, elle est historienne et bien décidée à travers les exils, à défendre la pluralité et richesses des cultures de l’est, l’autre ,Pascale Goze, « éditions Lunatique » est bretonne d’adoption, grande spécialiste de l’auto-dérision et des chiens heureux. Elle édite des poètes mais aussi de futurs grands romanciers. Après plus de 700 kms inspirés, je ne m’imaginais pas rencontrer d’autres géants de la petite édition et bien je me trompais. Ainsi et en totale subjectivité:
… Yves Artufel « éditions Gros textes », Jean Louis Massot « Les carnets du dessert de lune » tous deux révérant Richard Brautignan. Fabrice Caracava « éditions le dernier télégramme » funambule inspiré, capable de remplacer au pied levé le poète Julien Blaine , etc. Il y en avait d’autres, sûrement formidables. On parlera prochainement de leurs livres.
Petite mise au point sans doute inutile. Mardi ça fait désordre parle rarement des gens gris, des romanciers écrivant à la chaîne . Chez nous quand on a envie de crier de bonheur, on ne se gêne pas pour le faire. Nous sommes incapables d’ écrire un article pour cirer les escarpins de nos copains. Que l’on puisse avoir de l’affection et envie de fréquenter ceux que l’on admire parce ce qu’ils font un travail remarquable, ne nous parait en rien répréhensible. Bien au contraire. Oh les beaux jours !(2) Pour rien au monde, je ne manquerais l’édition 2016.
François Bernheim
Voir sur internet : laboucherielitteraire.eklablog.fr/
1/ Un certain nombre de ces responsables éditoriaux sont également des auteurs
2/ Merci à Samuel Beckett qui hélas n’a pu avoir l’occasion de connaitre ce salon
Bonjour François,
Bien contente de vous lire, nous fûmes tous heureux de partager ces beaux jours, avons aimé les rencontres comme des flashes, et les voix passionnées entendues de part et d’autres des stands, au cours des lectures. Il y avait une grande joie communicative, c’est vrai, la joie de nous rencontrer autour d’un petit livre cousu main, illustré de gravures originales……qui disent, par exemple:
Grand cèdre noir / tes oiseaux, mes regards / se frôlent, se traversent
Cécile Boisson