De bien mauvais esprits ne cessent de tailler un costard à Philippe Val, chanteur, humoriste, rédacteur en chef de Charlie-Hebdo de 1992 à 2014, puis patron de France-Inter de 2009 à 2014, grâce, dit-on, à l’intervention de Carla Bruni, épouse du président Sarkozy. La décision de virer Siné de Charlie Hebdo en Juillet 2008, pour cause d’antisémitisme, avait été fort justement contestée à l’époque.

« Mais aujourd’hui, alors que Siné a cassé sa pipe (1928/2016) il faut tout de même remercier Philippe Val d’avoir, bien involontairement, concouru à la création de Siné Mensuel. En Octobre dernier, « le journal qui fait mal et ça fait du bien » célébrait son 100ème numéro, plus libertaire et insolent que jamais. Existe-t-il beaucoup de journaux en France, pratiquant un humour décapant, faisant réfléchir sans jargonner, se livrant à l’investigation et attirant l’attention de ses lecteurs sur quelques pépites dans le domaine des expériences de vie, de la littérature, ou de la farce ? … C’est dire qu’avec les signatures (dans le désordre) de Lindingre, Catherine Weil-Sinet, Philippe Geluck, Véronique Brocard, Véronique van Moche, Jiho, Jean -Marie Laclavetine, Isabelle Alonso, Martine Laval, Pierre Concialdi, Anne Grignon, Faujour, Maud Dugrand, Blandine Flipo, Lacombe, Maxime Carsel, Delfeil de Ton, Christophe Alévèque, Guillaume Meurice, Constance, François Morel, Berth, Karl van Meter, Michel Warschawski, Jean -Pierre Bouyxou, Malingrëy, Noël Godin, Philippe Lespinasse , Jackie Berroyer, Etienne Liebig, Jean-Claude Ribaut, Willem et quelques autres, Siné Mensuel réalise un vrai journal courageux, ouvertement de mauvaise foi, mais pas toujours. Pire, au -delà de la provocation et d’un rejet de toutes les chapelles, Siné Mensuel crée un espace porté à une certaine tendresse, vis à vis des animaux humains que nous sommes.

Le numéro de Novembre du mensuel, en vente dans les kiosques est passionnant et instructif.  On citera entre autres : Une enquête sur les invités des matinales des radios et télévisions. On notera que seulement 90% des heureux élus défendent l’ultra-libéralisme. Un article sur l’eau puissant moyen de pression politique. Voyage au bout de l’enfer, un témoignage sur un réseau de prostitution Nigérien. Pour la bonne et si possible la mauvaise conscience, un article sur la course au fric d’un certain bénévolat. Une carte postale d’Allemagne sur les nouveaux fachos, les « Reichburger ». Une Interview lumineuse de Frédéric Pajak, écrivain, peintre, dessinateur, éditeur. Depuis neuf ans cet artiste poursuit une démarche aussi poétique qu’à contre-courant de toute forme d’idolâtrie. Avec son manifeste incertain, il entend mettre en avant les artistes, penseurs, poètes, romanciers qui furent de leur vivant des grands vaincus de leur époque, malgré une oeuvre que la postérité reconnaitra. Le manifeste incertain en 9 tomes est le fruit de cet immense travail de mémoire pictural et écrit. Pajak dit s’intéresser à ce qui lui est à priori étranger. Paradoxe apparent, il se trouve en étroite affinité avec des créateurs concernés par tout, tout sauf par leur propre personne. Le Tome 1 mettait en avant Walter Benjamin,  le dernier est consacré à Fernando Pessoa. Ezra Pound, Gobineau, Vincent Van Gogh, Emily Dickinson, Marina Tsetaïeva et quelques autres illuminent les sept autres tomes. Libertaire jusqu’au bout de la non- violence, Frédéric Pakaj en profite pour interroger son époque, flâner hors des chemins battus, digresser  pour mieux nous faire apprécier l’infinie richesse de l’imaginaire en liberté. Personne ne sait ce que Fernando Pessoa aurait pensé des Gilets Jaunes et pourtant la revanche des obscurs, des sans-grades aurait  pu solliciter son attention comme elle a capté celle de l’auteur du Manifeste Incertain. Neuf ans avant la crise sanitaire qui nous oblige à prendre conscience que c’est bien le principe d’incertitude qui régit nos vies, Pajak tentait de nous alerter. L’incertitude, c’est aussi, à condition que nous le voulions bien, la mort possible des destins funestes, des vérités établies une fois pour toutes, l’errance et le doute revendiqués. Elle est aussi la grande liberté que nous suggère ceux qui ont l’audace de croire que l’imagination, la poésie et la folie, doivent avoir une place majeure dans nos vies. En Octobre déjà, sous la plume de Véronique Brocard Siné Mensuel  nous faisait part de son enthousiasme pour le tome 9 du Manifeste Incertain  » Confinement durable ou non, voilà des munitions pour ne pas succomber aux rigueurs d’un hiver… des plus incertains.

François Bernheim

Les neuf tomes du Manifeste Incertain de Frédéric Pajak sont publiés par les Editions Noir sur Blanc.

Sur ce même blog, un article spécifique sera prochainement consacré  à la dernière  parution du Manifeste Incertain.

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