Les 8, 9, 10, 11 Novembre se tient à Paris, Halle des Blancs Manteaux « le salon de l’autre livre ». Vous pouvez avoir mille et une raisons de vous y rendre, mais je ne peux résister à l’envie de vous en donner au moins une et pas des moindres : rencontrer les Editions Pierre Mainard.( 1)
Crées en 1999 par Stéphane Archambeau ces éditions sises à Nérac peuvent sans contestation possible être qualifiées de poétiques au sens où la
poésie est d’abord incandescence, fusée, révélation de l’intime avant d’être un genre, un territoire cerné par des codes et des rituels.
Pourquoi Pierre Mainard ? A l’évidence en hommage à Borgés. Une des nouvelles de » Fictions » porte le titre suivant » Pierre Mainard auteur de
Don Quichotte. Le lecteur passionné de Cervantès pourrait -il s’emparer de Don Quichotte pour, sans le moindre plagiat lui donner une
nouvelle vie ? Il semble bien que oui. Ainsi Stéphane Archambeau qui a « le goût des autres dans la bouche » pourrait bien à travers ses auteurs
être » l’homme écarlate qui parle dans le séisme » décrit par Thierry Metz.
Des auteurs de cette maison d’édition on dit qu’ils sont d’inspiration diverse, mais ce qui les rassemble est une commune exigence.
L’oeuvre ne doit pas seulement être belle, elle doit fracasser, pénétrer au plus profond. Ainsi la mise à nu ne peut que révéler son impossibilité,
celle de dévoiler le mystère de la création. Si l’art est fulgurance le travail d’une maison d’édition » habitée » tient tant du funambulisme que
d’une obstination furieuse et quotidienne à s’inscrire dans la durée. Stéphane Archambeau est un artisan, sans doute un art disant au long
cours, mais certainement pas un chaman solitaire. A l’exigence littéraire s’ajoute une qualité fabuleuse : l’amitié. A travers elle, s’est construit
un réseau où l’émotion partagée, la compétence et le goût de la découverte vivent en harmonie.
FB
Quelques fusées extraites d’un catalogue somptueux.
Jorge Camacho – Semi -Contra
grand explorateur surréaliste né à Cuba. Sa patrie pourrait bien être nulle part.
Le niveau Rouge
D’amour
Creuse la montagne
Invisible….
Ailleurs un coeur
Bat ses plumes
….
Dans les bois du ciel
Une bougie se suicide
Pierre Peuchmaurd – Giroflées
Né à Paris, il fréquente la librairie d’Eric Losfeld, terrain vague où quelques unes des plus belles fleurs du surréalisme ont éclos.
Je vois Rimbaud. Il est avec Delahaye. Il cueille des
giroflées sur le vieux rempart. C’est prouvé la mer est
noire, le sang compté.
….
Juillet, les morts sèchent au soleil. Il fait meilleur sous
l’arbre où tu perds tes dentelles.
Juillet au ventre d’or,aux brasiers d’huîtres et de
pavots. Juillet lointain par l’Equateur.
Alexandre Pierrepont. Frontières du monde habité
De lui Jean Yves Bériou écrit: Il est de ceux qui jouent le tout pour le tout en pariant sur les pouvoirs du langage: sa langue prend feu dans la bouche du monde….
Je tourne ma langue dans la bouche du squelette du ciel
et dans la bouche du squelette de la terre
….
Je tourne ma langue dans la bouche de la planète
Je tourne ma langue dans la bouche du monde
….
Et sous le seuil de la conscience
Sommes-nous
Courtisans de l’inachevable affligés de tics
Boxant
Anne-Marie Beeckman – Le ciel & autres contes
» Tout mon bien est dans le temps qui passe »
elle fait voler en éclats tout ce qui cloisonne, rétrécit
amoindrit la vie.
J’avais des oreilles, Inde et Afrique. Une anguille
devant la bouche. Sur la tête, une fleur de peau. Mais,
défense de sortir, défense de partir.
…
On rompt les reines.
Quand elles sont alanguies, on les déroule dans le lit
du torrent
Laurent Albarracin – Plein vent
111 haïku en hommage au chien sédentaire de Pierre Peuchmard publié chez Pierre Mainard
Le thé dans le bol
pas plus autre chose
que la lune dans la lune
…
La lune avec son doig
montre
tous les idiots
Thierry Metz– Le grainetier
» L’homme qui ne s’interroge plus sur l’Enjeu, se retrouve derrière une porte
qu’il tient à bout de bras, qui avance avec lui et qui ne s’ouvre pas »
« … Je ne compte plus en moi les yeux qui choisissent la meilleure orange sur l’arbre.
Le prends la première venue et m’échange avec elle. Je goûte son langage sur sa branche, trouvant à ma taille sa place infinie, lui transférant la mienne. Car dans le psaume chaque mot est graine. Il est mon acte devant toi »
Joël Cornuault- Souvent nous cheminons
auteur d’essais sur Ts’ing- tchao, Elisée Reclus, il est aussi traducteur, éditeur et poète aimant à vagabonder au gré de sa fantaisie.
C’est un morceau de mon coeur, justement, que j’ai laissé à trois cents kilomètres d’ici derrière le village de Llo, on loin de Saillagouse, en Cerdagne française. Il est resté, parmi les pins et rochers, dans une passe taillée par le Segre. qui sinue, de temps à autre pavé de marbre blanc, entre parois roussies.
Voir l’interview de Stéphane Archambeau
» les éditions Pierre Mainard la passion du toucher » par Laurine Rousselet -Revue l’actualité Nouvelle Aquitaine . Octobre 2018
(1) Stand B22 partagé avec Le Cadran ligné et Le Grand os
Illustration de Pierre Sabatelli