Il est un homme passion. Passion pour le Jazz, le cinéma, le roman policier, la littérature étrangère, toutes les littératures. Il crée des collections prestigieuses, découvrant des inconnus, réhabilitant des auteurs oubliés. Ses rencontres avec les plus grands, jazzmen, auteurs, éditeurs, juristes, sans oublier ses plaidoiries, car ce monsieur est aussi avocat… pourraient laisser croire que Jean -Claude Zylberstein est quelqu’un d’important. En vérité il aurait pu s’appeler Jean-Claude -Marie-Christine Zylberstein. Cet homme unanimement apprécié de ses amis comme de ses relations professionnelles est ce qu’il est par la grâce de l’amour. Que serais-je devenu sans toi. Celui qui a longueur de page met en avant les noms les plus brillants de la scène intellectuelle, éditoriale et musicale ne pratique jamais le » name- dropping » Il est authentique,Il sincère, modeste. Pire, il ne croit pas en lui.

4 Juin 1966, il rencontre Marie Christine Halpern. Coup de foudre réciproque. 24 Février 2016. Il enterre sa femme chérie. Le père de Marie Christine, Bernard Halpern est un scientifique renommé. Quand sa fille lui annonce qu’elle veut épouser Jean -Claude, un jeune homme éclectique, sans doute brillant, mais qui n’a pas encore de position sociale, il lui fait entièrement confiance. L’intéressé est médusé. Ensemble ils vivront presque cinquante ans de bonheur.

Marie-Christine donne un sens à sa vie, elle lui permet de potentialiser son talent, elle est son âme, sa chair, la petite fée qui sous l’épaisseur de la gangue (c’est lui qui le dit) avait su voir le diamant.

Souvenirs d’un chasseur de trésors littéraires sort deux ans après la mort de la femme aimée. L’élégance du chasseur, sa pudeur, lui commandent de mettre en avant ce qu’elle lui a permis de faire, plus que sa douleur.

L’ouvrage est un vibrant hommage à la rencontre. Presque par hasard dit-il, il va se trouver en face de Jacques Brenner, grand exégète de Jean Paulhan. Il aura une rencontre décisive avec ce dernier qui lui présentera Dominique Aury, l’auteure d’histoire d’O.

JCZ, n’est pas opportuniste, mais il est assez ouvert au monde pour s’abandonner à l’instant présent, d’autres diraient aux hasards de la vie. Le découvreur est un travailleur acharné, sa curiosité est immense, sa capacité à lui trouver un débouché n’est pas moins forte. Les collections Pavillons chez Robert Laffont (1), Grands détectives, Domaine étranger chez 10/18  de Christian Bourgois, Texto chez Tallandier en sont l’illustration. Ses seules religions sont celles de la lecture et du partage. La lecture est une fête. Elle éduque, fait grandir, développe l’esprit critique, elle est une anti-dote à la barbarie, une bouée de sauvetage, une source de plaisir infini. Loin d’un élitisme étriqué il veut donner à lire au plus grand nombre. Faire confiance à l’intelligence des lecteurs est la base de tout.

L’éditeur JCZ nous donne à penser que derrière les grands auteurs reconnus, des centaines d’autres méritent notre intérêt, à la seule condition que des éditeurs passionnés se donnent le mal de les débusquer. La démarche du passeur met en évidence un mal qui ne traverse pas seulement la littérature. Les caprices de la mode, la paresse intellectuelle, le manque de pugnacité, le court- termisme, font que des auteurs de grand talent tombent dans l’oubli. A priori le monde de l’édition dans sa version priorité au fric s’en accommode sans problème. Cette carence est pain béni pour celui qui dépensera une énergie considérable à réhabiliter ces écrivains injustement oubliés.

L’avocat rejoint assez souvent le passionné de littérature. Ses clients sont souvent des auteurs ainsi Françoise Sagan, des éditeurs comme Maurice Giraudias, des musiciens comme Claude Bolling.Il défendra également les héritiers de Jacques Brel. Le monde du droit est celui de la rigueur. La sagesse de JCZ est de se donner assez de recul pour que l’imagination trouve une dynamique supplémentaire dans l’étude de la loi.

Sans prendre la posture d’un pensif penseur, l’auteur ne cesse de nous poser des questions. Jean Paulhan oppose à Sartre, partisan d’une littérature au service de la révolution, la recherche exclusive d’une vérité profonde. La question posée est bien celle de l’engagement. L’après- guerre comme les années 60/ 70 ont affirmé sa nécessité. En homme libre, Jean-Claude Zilberstein récuse ce diktat. Que l’on soit d’accord ou non peu importe. On comprend seulement aujourd’hui que l’engagement d’un certain nombre d’intellectuels de gauche pouvait ressortir plus d’une posture dictée par le climat de l’époque, que d’une exigence authentique de solidarité.

Ce livre est aussi une sorte de caverne d’Ali- Baba. De Bécassine, Bicot, Alexandre Dumas à John Kennedy-Toole, sans oublier Henry Miller, John Cowper Powis, Philip Roth, Jim Harrison, les romans de Léonard Cohen, Walter T. Tevis, Mickey Spillane, Robert von Gulik, Richard Hugo, Philippe José Farmer, Joan Didion, Margaret Atwood, Mario Rigoni Stern, etc, etc… Le magicien nous livre tous ses trésors. Il veut partager avec nous tous ses coups de coeur livresques ou musicaux, ses découvertes d’éditeurs décisifs comme Bernard de Fallois, Christian Bourgois, Bernard Fixot. La lecture de Souvenirs d’un chasseur de trésors littéraires   est bien une fête, un cadeau que l’on risque de savourer pendant des années.

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Dimanche 30 septembre, ma femme Arielle relit « Gare Saint Lazare » un roman écrit par Betty Duhamel qui fut une amie proche. Votre serviteur, dans une autre pièce dévore l’ouvrage de Jean Claude Zylberstein. A priori les deux livres ont chacun leur planète.

A la page 17o je lis les lignes suivantes : Cette rentrée 1970 fut marquée par une autre rencontre capitale grâce à laquelle l’édition me tendit à nouveau les bras. Marie -Christine était liée d’amitié depuis plusieurs années avec Betty Duhamel, fille d’un médecin ami de ma belle- famille. A l’occasion de la sortie de son roman Gare Saint Lazare, Betty organisa une petite fête à laquelle elle nous invita….

Jean -Claude Zylberstein ou l’art subtil d’apprivoiser le hasard pour la plus grande joie de milliers d’inconnus. L’esthétique généreuse d’un passeur de haut vol.

François Bernheim

 

Jean -Claude Zylberstein

Souvenirs d’un chasseur de trésors littéraires

Allary Editions

 

(1) La collection Pavillons existait déjà, mais battait de l’aile.

 

 

 

 

 

 

 

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