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Déflagrations.

Dessins d’enfants, guerre d’adultes à l’initiative et coordonné par S. Girardeau, avec une préface admirable de Françoise Héritier- Un livre de plus de 250 pages, des centaines de dessins d’enfants du monde entier face à toutes les guerres survenues depuis plus d’un siècle, des textes et dessins d’intervenants de premier plan et une émotion grandissante pour ne pas dire déflagrante éprouvée au fil des pages. « Moment de sidération de sidération parfaite que celui du dessin, comme la ligne froide d’un coup de couteau qui séparerait un avant et un après d’un monde, le monde de l’enfance et le monde désespéré de l’adulte à venir » – Françoise Héritier

Sans doute avions nous oublié que la vie et la mort pouvaient se parler avec une telle intensité dans l’instant présent. Sans doute avions nous oublié que la vie et la mort d’autres que nous, pouvait nous concerner, que l’horreur de l’inhumanité était partout et que comble du comble que la vie niée, martyrisée, traumatisée était malgré tout capable de recréer

du lien humain.

Ceux qui parlent du monde de l’enfance, la plupart du temps évoquent un monde préservé, monde de l’innocence même si parfois cruel. Ici ce monde vole en éclats. Les enfants prennent de plein fouet la pire réalité, celle de la destruction systématique, sans état d’âme, sans la moindre considération pour ceux qui devront tenter de survivre face à l’horreur. Dima Soufrankov ingénieur mécanicien en Union soviétique, à l’époque âgé de 5 ans, à propos de la deuxième guerre mondiale, écrivait :

« Quand on est gosse, on vit dans un autre monde…On ne voit pas les chose d’en haut, on vit à ras du sol. Alors les avions font encore plus peur,les bombes aussi. Je me souviens que j’étais jaloux des scarabées, ils étaient tellement petits qu’ils pouvaient toujours se cacher n’importe où sous la terre… Je me disais que, quand je mourrais, je deviendrai un animal et m’enfuirais dans la forêt »

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D’une façon invraisemblable, les enfants à travers leurs dessins remplissent un rôle que les adultes n’ont plus sur une planète hyper médiatisée. Ils sont à la fois témoins et parties prenantes. Ainsi ces images ne sont pas les nièmes images de guerre qu’il nous est donné de voir. Ainsi peut se créer un lien entre celui qui s’exprime et celui qui accepte de prendre en compte la souffrance de l’autre.

Des images de guerre et de ses horreurs nous en avons vu des centaines, en quelque sorte balancées dans la nature. Conçues très souvent par des grands photographes, ces images hésitaient entre l’horreur et l’art. Plus qu’à prendre en compte ce qui était vécu nous étions à amenés à applaudir l’artiste en oubliant quasiment tout du contexte. D’où un malaise croissant face aux bouleversement et catastrophes de la planète. Coupées de leur origine, les images de guerre se banalisent et nous font, à tort, prendre conscience de notre impuissance. Alors nous culpabilisons et plus nous culpabilisons moins nous remplissons notre rôle d’acteur humain.«  Déflagrations » c’est aussi la prise de conscience qu’à l’inverse des schémas connus, ce sont les enfants en souffrance qui deviennent et nos protecteurs et nos guides. A travers leurs dessins clairement identifiés (3)comme partie prenantes nous avons enfin la possibilité d’être solidaires, il nous est enfin possible de nous situer et de penser à des actions possibles.

Précis ou pas les dessins ne sont pas finis. Ils sont imparfaits parfois maladroits et ce qui pourrait être considéré comme un défaut dans d’autres circonstances devient ici un atout majeur. Leur imperfection nous oblige tant à prendre en compte la souffrance de plein fouet, sans alibi artistique et à imaginer au delà de ce que nous voyons. Ainsi le bruit infernal des bombes et des avions assassins. Ces dessins écrit Zérane S.Girardeau «  participent certainement à faire d’un irreprésentable et d’un insoutenable, un imaginable. si nous nous mettons à l’écoute. Si nous acceptons de recevoir ces clameurs qui sont aussi, peut être des lueurs qui nous éclairent….

… Les clameurs des enfants, avec toute la puissance de vie et survie qu’elles portent, encore et malgré tout, participent et nous font participer au défi d’humanité, à l’impossible renoncement  »

Sans autre prétention que le besoin de dire, de sortir la souffrance de leur chair et leur âme, ces dessins d’enfants sont beaux. Ils disent moins le talent de leurs auteurs ( pourtant certain), que l’urgence de rompre une solitude écrasante. Ils sont beaux d’une beauté qui nous fait retrouver un chemin possible d’écoute et de solidarité humaine.

Alertez les humains

nous savons ce que nous avons de pire en partage. il nous reste à découvrir notre face de lumière. Nos soleils. De par le monde des milliers d’enfants ont payé le prix fort pour supporter l’insupportable en s’exprimant.

François Bernheim

 

Déflagrations

Dessins d’enfants guerre d’adultes

coordonné par Zérane S. Girardeau

éditions Anamosa

Déflagrations est aussi le titre donné à l’exposition de ces mêmes dessins à la médiathèque André Malraux de Strasbourg du 6 Octobre au 16 Décembre. voir article ci-contre.

Légende des dessins

 

couverture du livre : Rwanda, Ndéra 1997. Fils 10 ans, ses parents sont morts en avril1994.Fils dessine la scène du meurtre de son père par les militaires.

  • (1) Salvador, début des années 1980 enfant dans un camp de réfugiés en Amérique Centrale.

(2)Syrie 2012 Enfant dans un camp de réfugiés à Antakya,ville turque proche de la frontière syrienne.

(3 Sahara occidental, 1976. Enfant sahraoui réfugié dans la région de Tindouf

 

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