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Le monde est sans doute à la limite de la suffocation, au delà d’une souffrance descriptible, mais le pire n’est jamais certain. Tant qu’il y aura des poètes, tant qu’il y aura un René Frégni, capable de panser nos plaies et blessures en nous invitant à marcher côte à côte, à découvrir l’aube de nos rêves dans les chemins cabossés de nos campagnes, nous pourrons nous dire que tout est encore possible. Ce n’est ni avec un stylo ou un ordinateur que les poètes  écrivent. Leur plume est trempée dans la chair de la vie. René Frégni a cette capacité rare de mobiliser le silence, d’être à l’écoute de l’instant présent comme si chaque petit homme ou chaque petite femme avait  au coin de sa rue, la possibilité d’illuminer le monde. Il faut beaucoup marcher, beaucoup s’arrêter, regarder, boire, manger, écouter pour capter la simplicité du monde. «Il faut beaucoup de patience, beaucoup de silence pour avoir le privilège d’entrer dans la tendresse d’un jardin » Il faut avoir des mains pour bâtir mais aussi pour caresser de belles poitrines, il faut aussi savoir que nous ne sommes pas séparés les uns des autres par notre enveloppe charnelle mais plutôt par nôtre manque de désir, notre manque d’ouverture à la complexité des êtres. De très sales mecs en prison peuvent aussi être des anges. Le boucher, le cafetier, le postier d’un village peuvent devenir de grands lecteurs  à la seule condition de sentir acceptés, aimés.

« On n’est pas d’un pays, on est de son enfance » écrit René Frégni. Les poètes  savent exprimer en peu de mots ce que de longs et souvent inutiles débats n’arrivent pas à formuler.  Ceux qui instillent la haine dans les veines du peuple, s’étonnent de voir avec quelle virulence ce dernier la répand . « Je me souviens de vos rêves » est le dernier en date des livres écrits par René Frégni. L’amicale des chats de gouttière, comme tous les enfants des rues et un nombre impressionnant de femmes sublimes l’ont dévoré avec passion.

L’auteur écrit –il des poèmes en prose, des contes ou des récits mythologiques ? A vrai dire, la réponse est sans importance, sauf qu’ici la nature, les humains, les objets sont en symbiose. La séparation n’existe pas. Le poète a le pouvoir exorbitant d’unifier la vie, de la porter au plus haut en regardant les choses les plus simples qui sont souvent en bas. A chaque ligne il invente un autre monde qui est le nôtre, ou qui devrait être celui de chaque personne humaine aimée et respectée pour ce qu’elle est et non ce qu’elle représente socialement.  A propos des attentats, René écrit simplement : « Les racines du mal… il y a un banquet, ce sont toujours les mêmes qui sont autour de la table, sous des lustres d’or. Alors de temps en temps, ceux qui regardent renversent tout »

L’enjeu est sans doute de pouvoir vivre la plus vivante des vies en explorant les possibilités infinies de l’univers sans oublier de partager, de caresser son chat et de raconter des histoires à qui veut bien les écouter ou les lire. La vie est une sorte de  commerce, où le hasard accomplit des merveilles en faveur de ceux qui ouvrent les portes, les  oreilles au tumulte comme à la tendresse de la vie. René Frégni est juste un vivant magnifique.«  Dans un seul mot il y a des nuées de planètes, de constellations. Il y a de l’émotion »

François Bernheim

 

René Frégni

Je me souviens de tous vos rêves

éditions Gallimard

 

Extrait

«  Il a aidé des hommes à dire avec de vrais mots à des femmes qu’ils les trouvaient très belles. Il a aidé ces femmes à regarder ces hommes avec d’autres yeux. Il a aidé des millions de gens à entendre craquer la neige sous leurs pas et la forêt à respirer alors qu’ils ne sortent presque plus de chez eux. Aidé tout simplement à être encore plus heureux quand ils étaient amoureux, encore plus amoureux quand ils étaient heureux.

Voilà à quoi sert un livre ! Joël en a vendu des millions. On construit bien des villes thermales, lui a bâti une cité de mots. Les médecins devraient envoyer les gens dans des librairies au lieu de prescrire du Tranxene et du Lexomil. »

 

 

 

 

 

 

Une réflexion au sujet de « Dans la chair de la vie »

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