Pas de vacances sans un polar. Mais par pitié, sans serial killer, sans inspecteur dépressif et sans dear old lady à tasse de thé. Pour la noirceur, direction l’Ecosse. « Là où vont les morts » de Liam Mc Ilvanney permettra une transition en douceur de l’univers du travail à celui du parasol. On pourra transposer l’ambiance du boulot à celle du Glasgow Tribune, un journal qui vient d’être racheté par un fond de pension. Il y a donc moins d’argent, moins de personnel, et c’est à qui fera la bonne manœuvre pour aller vers le sommet et ses fauteuils rembourrés avant d’être éjectables. Glasgow, ville recouverte de suie et désespérée de misère, est gangrenée par ses gangs qui tiennent le haut du pavé. Le journaliste Gerry Conway cherche à savoir si son ex-protégé Martin Moir, retrouvé noyé dans sa voiture a été suicidé ou a choisi lui même de faire sa sortie. Martin avait-il gardé les idéaux avec lesquels il avait débarqué d’Ulster, « ces choses qui pour la plupart d’entre nous n’étaient que des mots – la démocratie, l’Etat de droit, le système parlementaire ». Ou bien… ? On voit que même enduit de crème à bronzer, on peut se poser des questions de fond et suivre un nouveau type de détective dans son enquête qui le mènera de chez les honorables truands locaux à la fine fleur des hommes politiques.
A peine le polard refermé, on enchaîne avec Luis Sepulveda. C’est comme retrouver un habitué sympathique, un voisin de guinguette qui à force de revenir année après année est toujours accueilli avec plaisir, comme un ami d’été. D’autant plus qu’il est en pleine forme, avec « L’Ouzbek muet et autres histoires clandestines ». Il évoque les souvenirs de sa jeunesse, quand tout le monde était communiste, syndicaliste, révolutionnaire, socialiste, mais avant tout jeune et plein d’idéal face aux sbires sanglants de Pinochet. Il y a eu des morts, des disparus, des torturés, et quelques histoires confondantes de naïveté et de poésie. Il y a eu des explosions qui ne détruisaient qu’une mobylette et un amour de 16 ans, des braqueurs de banque qui voulaient « exproprier au nom du peuple les biens accumulés par la bourgeoisie », mais en douceur et sans effrayer le public ni les employés. Tout cela au volant d’une 2CV, la « Citroneta » , au nom de Lénine et du Viet-Cong et en maniant la plus pure dialectique.
Après ce régal de tendresse aux pieds nickelés, il reste au fond de la valise une perle littéraire. « Histoire d’Irène » d’Erri de Luca est une apnée littéraire. Une sirène de 14 ans, Irène, orpheline aux yeux ronds, raconte son histoire merveilleuse, façon Shéhérazade des ondes. Elle vit sur une île grecque, dans une étable où l’âne ne lui tient pas chaud. Les habitants de l’île ne la saluent plus depuis qu’ils ont constaté qu’elle était enceinte. Et puis cette étrange habitude d’aller nager la nuit avec les dauphins. La voix d’Irène vient frapper « l’oreille interne » de l’écrivain, pour lui révéler son histoire, avec des détours par Naples, dont Erri de Luca est originaire, la « néa polis » grecque, une ville qui se renouvelle à chaque colère de son volcan. Des détours par l’Afrique et l’obscurité de ses nuits. Et puis retour aux dauphins, à la mer et à la beauté pure d’une déesse antique.
Bonnes vacances.

Marie Hélène Massé

 

Là où vont les morts
Liam Mc Ilvanney
Métailié Noir

L’Ouzbek muet et autres histoires clandestines

Luis Sepulveda.
Métailié

Histoire d’Irène

Erri de Luca
Gallimard
Ou
Storia di Irene
Feltrinelli

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