Marie Hélène Massé


 

C’est officiel, Agathe Gaillard ferme sa galerie consacrée à la photographie, où elle a organisé, depuis 1975, quelque 250 expositions. En même temps, elle publie ses mémoires, les Mémoires d’une Galerie. Un ouvrage où se mêlent parcours professionnel et liens privés, avec pudeur et simplicité.

D’abord,  son métier, Agathe Gaillard l’a inventé elle-même. Montée de Nîmes à Paris dans les années 60, elle travaille à La Hune, y découvre le rayon alors balbutiant des livres de photo, avant de se faire, selon ses propres termes « enlever » par un photographe, Jean-Philippe Charbonnier. Dès ses débuts, elle a découvert ce qu’elle aime. Avec le recul des années, elle analyse cet attrait qu’elle a immédiatement éprouvé : « La photographie est quelque chose de vivant. Elle se fait sur un film sensible, avec des sels sensibles. On y perçoit un frémissement de vie. D’ailleurs ce n’est pas la même chose avec les photos numériques. Une photo réussie capte ce qu’on sent confusément et l’exprime clairement. » La suite est une histoire de rencontres qui ne sont pas des hasards. Edouard Boubat, Henri Cartier-Bresson, Robert Doisneau, Man Ray, Willy Ronis, ce sont quelques uns des artistes dont elle édite des œuvres en cartes postales. On est en mai 68, l’art est dans la rue. D’ailleurs à cette époque, les photographes n’ont pas le statut d’artistes. Elle appelle sa collection de cartes postales « les Chefs d’œuvre de la Photographie », on lui répond « Ah bon, il y a des chefs d’œuvre en photographie ? » Tout reste à inventer. Ouvrir une galerie entièrement consacrée à la photographie. « Cela paraissait fou, mais ça ne l’était pas puisque ça a marché. »

En 1975, dans une rue à l’abandon où sa galerie se trouve encore, la rue du Pont Louis-Philippe, Agathe Gaillard trouve un local en ruine et le fait repeindre en gris pas seulement parce qu’il est à égale distance du blanc et du noir, mais « parce qu’on l’obtient en mélangeant toutes les couleurs, et un peu de rouge et de jaune en plus le rend plus lumineux. » et c’est la 1ère expo, avec Ralph Gibson.

La suite, c’est l’histoire de la photographie. Les tirages ont gagné les cimaises, d’autres galeries consacrées à ce qu’on reconnaît désormais comme un art à part entière ouvrent à Paris, Christian Caujolle a une rubrique photo dans Libé, l’atmosphère est gaie et légère, ce sont les années 80. Puis il y a, avec d’autres, la création de Paris Photo qui connaît aujourd’hui un succès considérable.

Aujourd’hui, la galerie Agathe Gaillard connaît ses derniers accrochages qui changent « au fil des jours » et la galeriste est encore à son poste pour quelques temps. « Ce qui m’importe, à moi, c’est de proposer de multiples définitions de la Photographie, pour qu’à la fin se dégage, peut-être, une idée plus générale. Ce qui me détermine, c’est l’envie de voir la vie avec les yeux des autres, d certains autres qui m’intriguent. Mon regard, bien que très attentif, ne me suffit pas. »

Et pourtant, elle a l’œil, Agathe.

Photo Ralph Gibson

Galerie Agathe Gaillard

3 rue du Pont Louis-Philippe

Paris 

Agathe Gaillard

Mémoires d’une Galerie

Nrf

 

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