Michel Dréano, un des plus pointus membres de l’équipe de Mardi ça fait désordre est aussi un poète qui fait groover le slam à hauteur du plaisir des mots et du rythme. Il est aujourd’hui l’une des rares personnes ayant le respect de l’intelligence populaire, capable de communiquer ce je ne sais quoi qui dit amour, respect,solidarité pour l’humanité. Aujourd’hui il publie chez Univers slam un recueil de ses textes » Homme sensible des quartiers » Ils valent la peine d’être lus,bus et plus.
Extraits
Conversation de bistro
Alors, c’est quoi l’alternative ?
Lancer nos vers dans des bouteilles Comme des poèmes à la mer
Pour gagner le cocotier ?
Qu’est–ce qu’on pourrait bien faire d’autre ?
C’est vrai que, dans nos quartiers,
on est encore bien contents d’avoir tant de poètes ados
Avec des rimes plein le sac à dos ; Des mots–valises dans les cabas.
Des rappeurs qui font un tabac.
Mais bon, qu’est–ce que tu veux faire ?
À part boire un coup à la santé des chômeurs avant qu’ils nous euthanasient tous parce qu’on leur coûte trop cher !
En attendant allez, moi je rentre regarder la télé, même si tu n’arrêtes pas de me seriner que c’est une étrange lucarne qui n’a d’étrange que sa came, formatée pour les bonnes âmes qui donnent au Téléthon et n’oublient opas de le crier sur tous les toits. Après tout, tu as raison :
tout ce dégoulinando de charité bien ordonnée est vraiment à gerber.
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Des Hommes
Hommes des pays lointains Venus pleins de courage
Louer leurs millions de mains Au fond d’obscurs passages
Travailler le ouiquenne Jusqu’à plus d’heure limite
Aux chantiers d’hommes de peine Des cités de transit
Naufragés rescapés Des sables et de l’enfer
Des bateaux
Qui se retournent en mer
Survivants déchirés
Comme un vieux survêtement
Sur le fil barbelé
Des frontières d’Occident
Marabout bout de ficelle Celle du roi des griots
Qui ramasse à la pelle Les potins les ragots
De la Ville Lumière Brillant de tous ses feux
Pour calmer la colère Des parias des banlieues
Comme eux je rêve en vers De chevaucher l’étoile
Perspective cavalière D’une cité idéale
Où l’étrange étranger D’ici ou bien d’ailleurs
Enfin n’est plus logé
À l’enseigne de la peur.