Après le décès de Marie -Dominique survenu le 19 mars, deux de ses amis de mardi ça fait désordre, Erik Blondin et François Bernheim ont tenu à apporter leur témoignage. Le prochain  numéro du magazine vivant nous donnera une autre occasion de reparler d’elle.

ORPHELIN DE MARIE-DO ARRIGHI

Le velours du son de ta voix,

La douceur de tes intonations,

La fraîcheur de tes mots,

La pertinence de tes phrases…

Tu étais là pour m’apprendre à écrire,

Je n’ai pu qu’apprendre à t’aimer.

Etait-ce moins utile ?

Etait-ce moins grand ?

Ton visage rond, ta bouille d’enfant malicieux, ton regard pétillant semblant toujours jubiler, ta main sur ma joue en signe d’affection, puis tes inquiétudes pour mon quotidien professionnel, mais ton désir pourtant de me découvrir le courage de « balancer » sur les dérives policières, et enfin nos éclats de rire, comme des projectiles contre tous les tordus qui auraient voulu nous faire taire… Ainsi pouvaient se résumer nos rendez-vous hebdomadaires durant lesquels tu m’apprenais à écrire….

La mort te va si mal….

Toi, la passionnée qui refusais la misère intellectuelle qui conduit les êtres dans les bas-fonds de l’humanité et les fait sombrer dans la haine de l’autre, le racisme, l’intolérance et l’égoïsme. Tu la combattais à ta manière, un peu comme une Mère Terésa. Une année durant, j’ai eu ce privilège de t’avoir pour moi tout seul, deux heures par semaine. C’est un privilège, oui, et aussi un grand honneur que tant d’éminents personnages auraient aimé me voler. Et pourtant une année durant, tu n’as cessé d’essayer de me faire croire que les rôles étaient inversés,  et que l’honneur était pour toi. Ton humilité sans frontière et sans borne s’en allait gambader, sans jamais perdre de sa dignité, jusque dans des territoires où le ridicule côtoyait l’émouvant. Je n’oublierai jamais que c’est en croisant ton chemin que j’ai appris à marcher, déterminé et tête haute, sans me préoccuper des gesticulations et du vacarme de mes opposants. Grâce à toi j’ai su imaginer que les cris hostiles et les déferlements de haine, qui rythmaient mon chemin vers une cause que nous savions juste, étaient des manifestations de liesse et des encouragements à mon adresse…. Tu m’as tant donné, et je t’ai rendu si peu… Mais tu étais si riche, et moi si pauvre… C’est en affection et en amour que je te rembourse, et je sais que ce sont tes devises préférées.Tu vas me manquer, Marie-Do, et tu vas manquer aussi à tellement de monde !!

Erik BLONDIN

J’ai rencontré Marie-do en 1995 pour un interview dans Libé sur les conséquences du plan Vigie-pirate vues du côté policiers. Elle avait hésité à citer ma requalification du terme en « VICHY-PIRATE » de peur des conséquences disciplinaires encourues, mais mon insistance avait eu raison de sa molle résistance. Et puis l’IGS ne m’avait pas trop abîmé…

Nous ne nous sommes plus perdus de vue depuis et lorsque, en 2000, Eric HAZAN me proposait l’écriture d’un livre sur mon quotidien professionnel sous la forme d’un journal, j’ai accepté à condition que Marie-Do soit mon guide et ma professeure. Nos rendez-vous hebdomadaires étaient des moments de bonheur pour moi. Marie-Do aussi était heureuse, mais je crois bien que l’origine de son bonheur, était surtout de constater qu’elle me rendait heureux.

UNE VIE EN FORME DE CADEAU

Qu’est-ce qu’un dictateur sauvage, cynique, corrompu,  capable de réduire à néant des milliers de vies humaines… un monstre ? ou un membre plus ou moins normal de notre tribu ? Tous les jours, nous devons faire face à ce cruel paradoxe : ce qui en nous nie plus ou moins  radicalement l’homme est encore humain.

Lessivés, équarris ou juste pris dans la nasse des habitudes, nous dormons, nous nous réveillons prêts à continuer, prêts à subir…. Parce que c’est comme ça et que ça ne peut être autrement.

Et bien non, cela peut être autrement.

Ce n’est pas la théorie qui l’affirme, c’est juste un être humain qui le dit avec autant de douceur, de force que de passion violente. Ainsi est, ainsi fut Marie-Dominique Arrighi, Marido, pour ses amis, sa famille, ses camarades. Grâce à elle, nous savons qu’à chaque fois qu’un être humain assume généreusement sa vie, c’est l’humanité entière qui devient respectable. Elle fut, à l’unanimité une excellente professionnelle. Mais au-delà du journalisme, sa véritable profession était de rendre l’humanité fréquentable. Alice ou lutin, légère pour les autres plus sans doute que pour elle-même, elle avait cette élégance suprême d’être attentive aux  êtres, joueuse,joyeuse, malgré le crabe. Parfois les gens généreux, gentils sont réputés ennuyeux ou carrément pas très malins. Grâce à Marido,on sait que ce n’est pas vrai. Donner plus d’amour, d’affection, de gentillesse que de fiel est un choix. Celui de cultiver le meilleur, plutôt que le pire, celui de l’exigence, de la révolte, de la passion et de l’optimisme conséquent. Il n’y a pas à opposer une humanité d’inspiration saint sulpicienne à une humanité corrompue, il y a être clair dans ses choix, ses volontés, ses engagements. Aucun être de lumière n’est que lumière, Pas plus Marido que quelqu’un d’autre, mais laisser dans l’ombre la souffrance, le doute est aussi un choix. A l’heure où tout ce qui est gris, ennuyeux et compassé pourrait passer pour le comble du chic, je te suis extrêmement reconnaissant Marido de m’avoir donné la possibilité de te rencontrer. Merci et tendresses à tous les tiens. François Bernheim

J’ai rencontré Marido en 1994. Journaliste média à Libé elle était venue voir à quoi ressemblait la 1ère mouture du magazine vivant « Lundi ça fait désordre » Elle ne s’est pas contenté de « couvrir » elle a donné, elle s’est engagé sans jamais s’immiscer. Je me rends compte aujourd’hui que pendant ces 5 dernières années où rien ne fut facile, elle a été présente à tous les rendez- vous que la maladie lui a permis d’honorer. Ainsi aux deux premiers numéros de mardi ça fait désordre. Cette fidélité naturelle, simple, malgré toutes les complications, fait chaud au cœur. Grâce à elle j’ai connu des gens formidables, dont un policier vraiment pas comme les autres : Erik Blondin. Il fait partie aujourd’hui de l’équipe du magazine vivant.

A consulter sur le net :

-Blog MDA, « K» histoire de crabe. Une édition papier sortira en mai

Les 9 vies de Marido par Pierre Marcelle Libé du 20 Mars 2010

Un blog pour tenir debout par Odile Benyahia-Kouider libé 20 Mars

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