Os court comme disait souvent mon père Rintintin Senior ! On aura tout vu. Ce singe, là, comment s’appelle-t-il déjà ? Cheeta. Drôle de nom, mais j’y reviendrai. Voilà qu’il se prend pour une star et qu’il écrit ses mémoires ! Mais même au faîte de sa gloire, je recevais plus de lettres de fans que lui et j’ai mis avant lui ma patte sur le Walk of Fame à Hollywood. Si tous les animaux acteurs se mettaient à écrire des autobiographies plus ou moins fantasmées, j’en aurais long à dire sur les humains qui peuplaient Hollywood en ce temps là. Mais ma modestie toute canine me l’interdit. Comme Lassie, qui était une vraie lady.
Donc, Cheeta. Qui s’en souvient encore ? Je vais vous rafraîchir la mémoire : AAAAAHHHHHEEEYYYEEEYYYEEEYYYAAAAAHHEEYYAAAAH. Vous y êtes ? Mais oui, le faire-valoir de Johnny Weismuller, dit Tarzan grâce aux 11 films (des séries B) dans lesquels ils apparurent main dans la patte, sautant de liane en liane. Pour le chimpanzé, l’intrigue est simple : « je l’avais délivré de la cage du Capitaine Fry et sauvé des nazis, de la femme léopard et des amazones, délivré des flammes dans les Aventures à New York et empêché sa chute mortelle dans Le Secret. » Non mais je rêve ! D’ailleurs, Cheeta ne fait pas bien la différence entre rêve et réalité et pour lui les acteurs sont des rêveurs (y compris lui) et le tournage d’un film est une entreprise de rêve collectif. Joli… Mais il y a des animaux qui font la différence, eux.
Revenons à ces mémoires d’un has been du show bizz doté d’un ego…. éléphantesque. A part son Johnny bien aimé, qui échappe à son regard féroce dans le Hollywood babylonien des années 30 et 40 ? Pas Charlie Chaplin, « avec son infaillible chic pour la pseudo-poésie parfaitement débile » ou « vieux satire transpirant ».
Pas Esther Williams, gracieusement surnommée « le lamantin à 2 balles » quand ce n’est pas « la sale pute ». Pas Maureen O’Sullivan, l’inoubliable Jane dite « la bobonne de la jungle » voire « la Hitler de la jungle ». Ni que Joan Crawford au sourire carnassier. Pas plus que les arrangements sexuels monogames successifs de Johnny, auxquels il ne comprend rien, bien que les liens humains soient similaires à ceux des chimpanzés, quoique légèrement plus durables. Mais là où il a réellement la dent dure, c’est quand il mord réellement quelques uns des postérieurs femelles les plus glamour, dont Marlene Dietrich. Avec les mâles, ce vieux Cheets préfère leur piquer une clope (Humphrey Bogart) ou partager un drink (tous, sauf Mickey Rooney qu’il accuse de plagier son jeu).
Mais là où Cheeta manque singulièrement de flair, c’est dans son appréciation des humains. Il reconnaît qu’ils sont parfois capables de violence, mais pas beaucoup plus que les bêtes et les idéalise. Il est vrai que son discours est peut-être inspiré par la crainte de finir dans un labo, des électrodes plein la tête.
Et ce nom, Cheeta, qui fait plutôt femelle ? Avec ses organes soigneusement emmaillotés dans les films, on pourrait y croire… Sauf que c’est une déformation du nom sous lequel il a débarqué de sa lointaine forêt africaine. Cheets. Le Tricheur. Et j’élève un doute sérieux : n’y aurait il pas eu plusieurs générations de Cheeta, comme, je l’avoue, les Rintintin se sont succédé les uns aux autres. D’autant qu’il se faisait une gloire d’honorer les guenons avec une vigueur de bonobo. C’est ce qu’il prétend dans des termes que ma pudeur m’interdit de reproduire ici.
Signé Rintintin
Avec l’aide de Marie Hélène Massé
Moi, Cheeta
Une autobiographie hollywoodienne
James Lever
Le Nouvel Attila