Quand Jérôme Fansten tente de tuer ses lectueurs rongés jusqu’à l’os par la médiocrité ambiante.
Acte 1 Petites représailles avortées
Quand le critique crétin (votre serviteur par exemple) tente de suriner le livre au bout de 10 à 14 pages
Jérôme Fansten est scénariste + romancier
+ il est le héros de son livre
+ Il crée son frère jumeau (2 Fansten en promo pour le prix d’1)
+ il s’invente une tragédie sa mère violée par 5 salauds
+ il crée une love story avec une fille…ah …oh …encore
+ Il est intelligent, drôle, libre, quel scandale !
= Il nous prend pour des cons. Une idée brillante de scénariste (sans aucun doute sous cocaïne) ne fait pas un roman. La preuve aucun acteur digne de ce nom n’a voulu jouer dans son livre. Un romancier, n’est pas seulement un raconteur d’histoires mais un créateur d’univers.
Puisque c’est comme cela et parce que je ne tolère ni mauvaise foi, ni mensonge, je ferme le livre et envoie un mail sévère à l’attachée de presse de JF « madame le blog ne Mardi ça fait désordre ne mange pas de ce pain là. Je laisse aux serviles échotiers le soin de vous cirer les pompes. Nous sommes un média libre, quand un livre est mauvais, on le jette. Ne pleurez surtout pas, d’autres moins radicaux que nous vont vous jouer de la mandoline. Et bla et bla et bla bla bla. L’enfoiré pourrait vous en faire encore 15 tonnes mais dans le genre impossible de concurrencer JF
Acte 2 aléatoire mais revigorant
Quand le critique borné et surtout contracté des genoux et du ciboulot se découvre inopinément un frère jumeau plus rigolo.
Il lui a dit : crétin va te coucher, t’as mauvaise mine, je vais donc continuer le boulot. Il a même sorti une pétoire à deux sous. J’ai dit non ,non, non, pas de ça dans la famille et il a pu enfin commettre son article.
De la naissance à la mort meurtrie, de Paimpaul à Chicago toute existence baigne incontinente dans le sang du drame humain. L’auteur Jérôme Fansten est un « hénaurme » farceur.Il s’introduit par effraction dans son propre roman, décrit sans la moindre complaisance le monde du cinéma, cocaïne addict, mercantile à souhait et comme il est excessivement paresseux charge son jumeau tantôt d’un assassinat tantôt de quelques lignes d’écriture, tantôt d’une rencontre érotique, ou même de réflexions sur la construction du roman, sur le sens de la vie qui en manque le plus souvent. Comment est-il possible d’écrire un livre jubilatoire en n’arrêtant pas de parasiter meurtres et actes amoureux fondateurs avec des interrogations existentielles, des considérations fulgurantes sur la littérature ? Comment en plus a-t-il le culot de nous faire croire que son livre est un manuel de dramaturgie à usage des assassins, alors qu’il ne commence qu’une fois le roman terminé ?
Il faut attendre la page 436 pour lire le premier chapitre du manuel. On passe du chapitre 1, au chapitre 3, puis 7. Par ailleurs la quatrième de couverture donne un extrait d’une conférence de presse de l’éditeur cherchant courageusement à se démarquer des assassins. On peut donc penser que l’entité JF est sous les verrous. Les méchants ont été pris. Et bien non c’est nous qui sommes pris.
Le terrible JF a avec son manuel construit une machine de guerre d’une efficacité diabolique. Au delà de la brillance du jeu, on va s’apercevoir que l’homme est d’une pudeur extraordinaire. La plus belle règle de construction qu’il nous livre tout en la dissimulant est celle de la nécessité. Qui écrit ? Jérôme Fansten ou Jérôme Fansten, lui ou l’autre ? Et si l’autre faisait mieux l’amour, et si l’autre était plus clairvoyant et si moi je n’étais que l’alibi, le zombie d’un individu qui me dépasse et que je ne comprends pas ? La blessure, le meurtre de soi s’étale au quotidien dans nos vies, mais bien sûr nous feignons de l’ignorer. A la morgue comme ailleurs JF soulève le voile et réussit à écrire un roman noir ou les assassinats de quelques médiocres cachent mal la tragédie des humains hantés par l’autodestruction.
Cette plongée hilaro – cauchemardesque dans l’univers grotesque et pathétique d’une humanité souffrante est ô combien classieuse et à proprement parler ahurissante. Amateurs de Léo Malet, de Jean Meckert et autres grands parrains des âmes déboussolées, vous allez avoir la surprise de découvrir un romancier qui devrait adorer Perec et quelques pataphysiciens, un écrivain populaire malgré le milieu du cinéma, un écrivain qui s’exprime à l’heure d’internet, de la virtualité et de la chimie triomphante. Cet iconoclaste fait preuve d’une exigence insensée, celle de l’authenticité matinée de farce ubuesque. Voici le premier roman noir haletant du moi assassiné. Un livre magnifique. Un killer.
François bernheim
Jérôme Fansten
Manuel de dramaturgie à l’usage des assassins
Editions Anne Carrière