Marie Hélène Massé

 

 

 

Voici 3 belles histoires. Celles de 3 hommes et de leurs rapports avec l’objet de toutes leurs attentions, de leur fierté, de leur orgueil. Car toute la vie de ces héros tourne autour de cet appendice qu’il serait insultant de qualifier de petit. Apparemment, s’il sait leur faire du bien, il leur fait aussi beaucoup de mal. Regard de femme sur le roman  Coup de Sang, de l’auteur mexicain Enrique Serna.

 

 

Comme l’auteur, commençons par le macho, le vrai, puisqu’il vient de ce pays qui inventa le terme même de macho, le Mexique. Bulmaro Diaz est arrivé à Barcelone, mais pas tout seul. Il a suivi la torride Romélia en abandonnant sa femme, ses enfants, son travail, ses amis, sa vie. Il est devenu homme à tout faire de la belle métisse, chanteuse de petite voix. Quand il ne récure pas le sol de la cuisine jonché de détritus par l’indolente beauté, il passe son temps à houspiller ce membre, « ducon » comme il le nomme, qui a fait de lui un esclave de la testostérone. Conscient de sa déchéance, il n’est plus capable que de prendre des « décisions hormonales. » C’est son attribut viril qui a choisi Romélia et un exil difficile en Espagne et qui confirme ce choix jour après jour, nuit après nuit.

 

Le 2e personnage est un beau célibataire catalan, Ferran Miralles, un agent immobilier qui vient d’écoper d’une condamnation à 15 ans de prison. Malgré ses 47 ans, il est toujours puceau. Sa première expérience sexuelle a été une catastrophe dont il ne s’est pas remis. Impuissant, il est devenu un anti-don Juan qui collectionne fiascos et frustrations. A l’époque de la sensualité exacerbée, Ferran qui a le malheur de ne connaître que des érections précaires s’est construit un véritable blindage émotionnel, derrière lequel il se croit à l’abri de la rancœur et de la colère.

 

Le dernier de nos héros est une star du porno dans sa phase descendante. Et on ne parle pas là de ses magnifiques érections que Juan Luis Kerlow a l’habitude de contrôler à la perfection, « comme s’il soulevait des haltères dans un gymnase » et qui lui permettent un magnifique succès professionnel. Et une belle carrière de gigolo, car en proie à une « euphorie hormonale », il a renoncé à ses études de bio-médecine et à son avenir dans la génétique moléculaire, qu’il continue pourtant à considérer comme son véritable destin.

 

Ces 3 personnages vivent chacun à leur manière un drame vasculaire qui va être encore décuplé par leur rencontre avec le Viagra. Le burlesque vire au drame, la farce lubrique prend des tonalités sombres et grinçantes. En suivant jusqu’au bout leurs forces ingouvernables, ces 3 héros de la sexualité contemporaine font exploser le roman en une cruelle apothéose.

 

Alors, les filles, toujours envie de pénis ? Non, merci docteur Freud.

 

Coup de sang

 

Enrique Serna

 

Editions Métailié

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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