Opérations Banlieues
Comment l’état prépare la guerre urbaine dans les cités Françaises
Hacène Belmessous éditions de la Découverte
Le livre d’ Hacène Belmessous est le fruit d’une enquête auprès des responsables des forces de police , gendarmerie, élus et responsables associatifs. L’auteur a pris également soin de lire tous les discours présidentiels se rapportant aux problèmes de sécurité et à la banlieue.
La France crève de ses banlieues. Tous les dysfonctionnements que nous connaissons, école, drogues, délinquance, santé, chômage, viennent de là. Cette France là est la négation de la France de toujours et de se valeurs. La France qui travaille, la France qui innove est étouffée, anéantie par ce chancre. Pourquoi rendre plus complexe une problématique aussi évidente : il y a la bonne France et la mauvaise . Il est donc hors de question de laisser l’une gangrener l’autre. L’ennemi est ainsi désigné. Depuis les attentats du 11 Septembre, on peut facilement comprendre que la menace terroriste est partout. Il s’agira donc moins de préparer un rétablissement de l’ordre que d’éradiquer le mal à la racine. De là une volonté d’unifier la défense intérieure en regroupant armée et police .
Sous couvert de rénovation urbaine et de la politique de la ville, on mettra en place les outils d’une surveillance permanente , on aménagera le territoire , on détruira des barres , on reconstruira afin de faciliter une intervention armée. On cherchera également à éloigner ces classes dangereuses, pour intégrer des classes moyennes plus valorisantes. On usera également de l’arme budgétaire pour faire taire toute velléité d’opposition politique au niveau local.
Hacène Belmessous est persuadé que si Nicolas Sarkozy a mis en place cette politique, c’est qu’il est sincèrement convaincu que tous ces territoires représentent un grand danger pour la République. Qu’il ait raison ou tort sur ce point ne règle pas définitivement la question. On peut aussi voir les choses sous un angle, sans doute complémentaire. Il s’agit de casser l’état providence, il s’agit depuis plus de 20 ans de créer les conditions permettant aux puissants de ce monde de se réapproprier ce qui, dans une période plus faste, avait été accordé aux travailleurs. La domination néo-libérale ne peut être totale sans un discours qui la fortifie. Ne parlons plus profit, chômage, précarité, installons nous sur le sacro saint terrain de la sécurité, puis de la défense de la république. La victoire de la droite ne peut s’affirmer sans un discours idéologique qui coupe l’herbe sous le pied à tout opposant. Ainsi les gens de gauche après avoir constaté leur naïveté, ne peuvent plus, s’ils veulent être entendus, se permettre de défendre l’anti-France.
L’intimidation fonctionne à merveille. Mais là où le débat avec l’auteur devient stimulant, c’est qu’assez justement , il nie toute capacité de création d’un discours idéologique à l’actuel président. Sans doute faudrait-il parler d’une création émanant du clan Sarkozy. Certains de ses membres doivent avoir été inspirés par le Club de l’horloge d’où est sortie la nouvelle droite. Nous aurions donc tendance à penser que la désignation de l’ennemi, que le déplacement du discours, au-delà du sécuritaire ,sur le terrain guerrier a un double objectif :
Se préparer à la guerre et c’est légitiment ce qui préoccupe l’auteur, mais aussi assécher toute opposition à une politique qui sur le plan économique, social et même sécuritaire est un échec. Le prurit de la banlieue est aussi une arme idéologique au service d’un fascisme mou vidant toute critique de son contenu.
La situation est-elle pour autant désespérée ? Non car même au sein du dispositif armé, il n’y a pas un total assentiment et surtout parce qu’une nouvelle génération de militants politiques de terrain est en train de naitre. Conscients et déterminés ils s’opposent à la politique de l’état. Ils travaillent, ils expliquent.
Ce vandalisme d’état est ravageur. Combien d’années faudra-t-il pour reconstruire sur un champ de ruines ? Nous ne le savons pas. En tout cas merci à Hacène Belmessous d’apporter une contribution pragmatique et lucide en terrain aride.