Voilà maintenant bientôt 18 mois que 8 personnes ont perdu la vie dans les effondrements de deux immeubles
rue d’Aubagne, en plein coeur de Marseille. Bientôt 18 mois que nous, collectifs et associations d’habitants, nous
battons avec les 4 000 personnes délogées des 500 immeubles qui ont été placés sous arrêté de péril imminent.
Cette fois, l’alerte est donnée par un long courrier d’architectes et ingénieurs du Service Sécurité des Immeubles
de la Ville de Marseille, révélé vendredi 10 avril par le journal le Ravi. Un constat courageux et d’une extrême
gravité, établi par celles et ceux qui ont la vie de milliers d’entre nous entre les mains :
– Un manque d’effectifs, de matériels, de formations du personnel dans ce service pourtant crucial pour
gérer la crise, des burn out déjà révélés par la presse sans qu’aucune suite ne leur soit donnée ;
– C’est ainsi que 2 600 signalements d’immeubles sous suspicion de péril adressés à ce service n’ont pu
être traités, 230 immeubles en péril grave et imminent, 180 immeubles en péril ordinaire non suivis,
autant d’habitant.es en danger, à l’avenir incertain ;
––
Des dysfonctionnements organisationnels: absence de communication, de capacité d’anticipation, des
retards d’arbitrage, délais de validation et de signature des arrêtés de péril anormalement longs mettant
directement en jeu la sécurité des occupants ;
– L’absence de marché d’exécution pour réaliser des travaux d’office lorsque les propriétaires sont
défaillants
– Et enfin, des décisions précipitées à l’échelon politique sans aucun dialogue avec les habitants concernés
qui les découvrent dans la presse. C’est récemment le cas des immeubles 69/71 rue d’Aubagne, voisins
de ceux effondrés et dont la démolition est décidée par le maire de Marseille. Selon nos informations,
cette décision semble avoir précipité l’alerte lancée par les techniciens. A Noailles, après des mois de
pourrissement, de tels choix sans dialogue– qu’ils soient ou non justifiés – alimentent une psychose et
réveillent un traumatisme encore proche.
Bientôt 18 mois que nous alertons sur l’incapacité des pouvoirs locaux et nationaux à répondre à la crise
structurelle du logement à Marseille : 40 000 logements indignes estimés dans lesquels 100 000 personnes parmi
les plus pauvres se retrouvent aujourd’hui confinées. Un confinement dans des logements « indignes », définis
comme portant « une atteinte grave à la santé de leurs occupants ». Des années que nous nous battons pour un
droit à la ville pour toutes et tous, pour un Marseille vivant et populaire.
Cette réalité n’est pas nouvelle, elle a été maintes fois décrite et dénoncée par les habitant·es eux-mêmes, les
associations et les collectifs dont on reconnaît à demi-mot, dans cette période de crise sanitaire, l’ancrage et la
nécessité.
Cette réalité est décrite, chiffres à l’appui, dans plusieurs rapports officiels dès 2015 (rapport CEREMA, rapport
NICOL), relatée par la rapporteuse au droit au logement de l’O.N.U., par le Haut Comité pour le Logement des
Personnes Défavorisées, ou récemment par des universitaires du Laboratoire Population Environnement
Développement. Et encore largement décrite par l’ensemble des médias locaux et nationaux. Nul n’ignore la
situation.
Ce courrier des architectes et ingénieurs du Service Sécurité des immeubles de la Ville de Marseille met
directement en cause une chaîne de responsabilité, des hauts fonctionnaires jusqu’aux élus. Après 18 mois de
mobilisation des Marseillais·es, et l’espoir qu’avait suscité la signature en juin dernier d’une « charte du
relogement » entre l’Etat, la Ville et les collectifs, l’horizon d’un changement de politique du logement s’éloigne
chaque jour. Les fondations d’une politique du logement ignorées. De nouveaux drames se rapprochent
irrémédiablement, et se vivent chaque jour dans le confinement des 40 000 logements potentiellement indignes
que compte la ville, auxquels s’ajoutent tous les autres logements sur-occupés qui exposent leurs habitants à des
risques sanitaires et sociaux. Nous refusons d’attendre de nouveaux morts.
Nous exigeons donc aujourd’hui que M. le Maire de Marseille suspende immédiatement son adjoint M. Julien
Ruas délégué à la Prévention et Gestion des Risques, destinataire du courrier des Architectes et Ingénieurs. Mais
c’est l’ensemble de la politique du logement et de lutte contre l’habitat indigne qui doit être remise à plat. Les
habitants, conseils citoyens, collectifs et associations, porteurs de nombreuses propositions et d’une expertise
d’usage, doivent maintenant être associés à ce chantier. Ils doivent être représentés dans les nouveaux cadres des
projets urbains, notamment au sein du nouveau Projet Partenarial d’Aménagement qui vise la réhabilitation du
grand centre ville en prévoyant déjà des évacuations et des relogements… mais où la place des habitants n’a pas
été prévue.
Face aux carences structurelles et durables du management des services municipaux en charge de la sécurité des
immeubles de Marseille, l’Etat au titre de son pouvoir de police subsidiaire en la matière doit faire connaître
immédiatement la manière dont il entend répondre à cette défaillance de la Ville de Marseille afin de garantir la
sécurité publique.
Nous exigeons des réponses immédiates du Maire de Marseille et du Ministre du Logement. Il en va de notre
avenir et de celui de notre Ville. Il en va de nos vies, plus que jamais.
Premiers signataires : Collectif du 5 novembre – Noailles en colère, Un centre Ville Pour Tous, Ligue des Droits
de l’Homme Marseille, Fondation Abbé Pierre, Cimade, Comité DAL 13, Collectif du Boulevard Dahdah,
Collectif 59 Saint Just, Architectes Sans Frontières, Syndicat des Quartiers Populaires de Marseille, Assemblée
de la Plaine, Collectif Soutien Migrants 13 / El Manba, Collectif le Panier en Colère, Compagnons Bâtisseurs
Provence, Collectif Laisse Béton, Collectif Brouettes & Compagnie, Collectif Citoyens du 3, Collectif J’y vis g
mon avis, Collectif de la Cabucelle, Primitivi télé locale de rue, Groupe de veille Busserine, Association il fait
bon vivre dans ma cité (air bel), Sud educ 13, Sud logement social 13 habitat, CFDT 13 Habitat, Solidaires 13,
Fédération des Acteurs de la Solidarité FAS PACA 13, Association des usagers de la pada de Marseille,
Association Réseau Hospitalité, Association hospitalité psychique, Réseau Education Sans Frontières 13, Réseau
Université Sans Frontières 13, SNUipp 13, FSU 13, Syndicats CGT ICT et CGT Territoriaux Ville de Marseille,
Médecins du Monde Paca…