Marseille, un reportage est un poème paru aux éditions du Refuge en 1993, écrit lors d’une résidence du poète Pierre Garnier (fondateur du mouvement spatialiste avec sa femme Ilse Garnier dans les années 1960) dans notre ville. C’est par ce texte que démarrent nos rencontres mensuelles de la section des Communs. Nous tenterons, en ouvrant chaque rencontre sur l’œuvre d’un poète ayant écrit à Marseille ou sur Marseille, de relire la ville autrement, de nous extraire ainsi de son quotidien et du nôtre, pour lui rendre sa profondeur de champ et mettre ainsi en perspective l’économique, le politique, le poétique. Au cours de ces rencontres, nous lisons et à notre tour écrivons. Ces textes donneront lieu à une publication papier dans la collection La Motesta des éditions Fidel Anthelme x mais avant cela, à chacune de nos rencontres, nous enverrons à Mardi ça fait désordre des ‘prélèvements’ parmi les textes produits afin que déjà les écritures circulent. Au fil des mois, nous dialoguerons avec Jules Supervielle, Louis Brauquier, Antonin Artaud, Jean Genêt……Pour cette fois-ci, des extraits des textes de Jules Supervielle et Jean jacques Viton qui ont inspiré Stéphane Campin et Dominique Cerf
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Que témoignent toutes ces têtes autour de moi, tous ces agglomérés humains,
qui vont et viennent sur le pont de bois mouvant entre ciel et vagues,
promenant leur bilan mortel,
leurs chansons qui font ici des couacs aigrelets,
et prétendent qu’il faudrait à cette mer qui prend toujours et se refuse,
quelques cubes en pierre de taille avec fenêtres et pots de géranium…/…
Jules Supervielle Gravitations 1922
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on ne voit pas toujours les gens qui sont devant vous
« Marseille c’est la ville la plus pourrie du monde » dit
un chauffeur de taxi « j’appelle ses habitants des êtres
humains c’est tout vous dire » voilà cœur et petit cœur
la beauté est rendue avec le silence inaltérable blague
une réponse est toujours exigée parler à l’absent n’est
pas facile chemin dangereux téléphone portable ou non
tout geste impossible l’absent a toujours gagné réponse
inaudible masquée appel annulé espace imposé détruit
invention de l’absence liberté déguisée du demandeur
Jean-Jacques Viton Cette histoire n’est plus la nôtre mais à qui la voudra 2016
Stéphane Campin
Marseille, ses S, ses D, ses F
Son Savon , son Soleil, sa Sueur,
Destination, Désorientée
Fourmilière, populaire même pour voir la Mer
Je vois ce que les autres ne voient pas
Ils regardent en l’air à l’approche de Notre-Dame de la Garde
Cette dame assise seule sous l’arbre avec son sac et
Son foulard sur la tête
Les touristes, croisiéristes, visiteurs de tous bords visitent
Je leur demande ce qui les amène ici.
Dominique Cerf
1.
Origine et Fin du monde
Connaître sans connaître
la rue que l’on habite, où l’on déambule.
Marseille, pour la nommer, doit-on la nommer ?
Ce quartier ressemble ou ne ressemble pas
à tous les autres.
Marseille, ville de quartiers
de quartiers ou de villages?
Est-elle en terre étrangère ?
Sur la route de Cassis, légion étrangère,
ce n’est déjà plus Marseille.
Étrangers de tous bords au cœur de Marseille,
qui en font aussi la richesse,
bonheur et ou désastre d’habiter ici,
dans cette rue-là, dans ce quartier-ci ?
Tous les pauvres accompagnés de leurs chiens sont là.
Pour y vivre, pour y survivre.
Et là les oiseaux tourbillonnent, attendent la manne.
Sur le port, elle a mis son étal
elle crie comme chaque matin
pour appâter le chaland.
Est que je fais partie de cette ville ?
Puis-je y vivre, dois-je y rester ?
Je ne connaitrai pas toutes les personnes de ma rue.
Alors, ceux qui sont plus loin !
Ceux qui s’abandonnent, ceux qui sont
hors-champ et/ou dans le champ.
Ceux qui croient cette ville accueillante,
l’est-elle ou ne l’est-elle pas?
Ceux qui crèvent en silence vont-ils crever ici ?
2.
Marseille ville où la mer inaltérable domine
Ville laborieuse cependant nonchalante
Ou comme par blague, elle devient ville de croisière.
La mer comme figée laisse déferler les touristes, impuissante
la pollution s’accentue,
les paquebots hlm et marina gagnent le cœur du Vieux-Port.
Les migrants sont-ils là ? Pas en paquebot de croisière.
Le canot avec bouée chambre à air, n’arrive pas jusqu’ici,
les marseillais se prélassent, peu leur importe ce bilan mortel.
Marseille, n’est pas la ville la plus pourrie du monde.
Mais cette histoire n’est plus la nôtre.
Cette ville n’est plus la nôtre, Marseille n’est plus un refuge,
le Refuge du Panier a été déserté.
Nous aimions les pointus, seulement les pointus,
la mer ne nous est cependant pas refusée.
D’autres viendront s’y perdre et y mourir.
Nous continuerons de nous croire libres et chanceux.
Nous ne saurons rien.
Hormis cette ineffable beauté