Marseille, un reportage est un poème paru aux éditions du Refuge en 1993, écrit lors d’une résidence du poète Pierre Garnier (fondateur du mouvement spatialiste avec sa femme Ilse Garnier dans les années 1960) dans notre ville. C’est par ce texte que démarrent nos rencontres mensuelles de la section des Communs. Nous tenterons, en ouvrant chaque rencontre sur l’œuvre d’un poète ayant écrit à Marseille ou sur Marseille, de relire la ville autrement, de nous extraire ainsi de son quotidien et du nôtre, pour lui rendre sa profondeur de champ et mettre ainsi en perspective l’économique, le politique, le poétique. Au cours de ces rencontres, nous lisons et à notre tour écrivons. Ces textes donneront lieu à une publication papier dans la collection La Motesta des éditions Fidel Anthelme x mais avant cela, à chacune de nos rencontres, nous enverrons à Mardi ça fait désordre des ‘prélèvements’ parmi les textes produits afin que déjà les écritures circulent. Au fil des mois, nous dialoguerons avec Jules Supervielle, Louis Brauquier, Antonin Artaud, Jean Genêt…mais nous n’en sommes pas encore là…pour cette fois-ci, le texte de Michel Maury, son poème-reportage à lui.
Frédérique Guétat Liviani Maury
Cela fait 5 ans que l’homme dort dans sa voiture
Garée chemin de l’Armée d’Afrique
Collée au mur d’enceinte du cimetière St-Pierre.
Le tramway s’engouffre dans le tunnel du Boulevard Chave
Et en ressort Marché des Capucins
Les uns y viennent chercher du dépaysement
D’autres sans-papiers y cherchent là venir.
Vieux-Port, les cafés sont pleins, rires, apéros, oursinades, bouillabaisses
Les SDF sur les bancs regardent aller et venir le ferry-boat
La rue de la République a retrouvé son style haussmannien
Les squats se cachent derrière les lofts.
Place de la Joliette la tour de verre rivalise avec les paquebots
« Symphonie of the seas »
L’autoroute du littoral
Mène à la côte bleue, l’Estaque, Carry le Rouet, Sausset les Pins, Carro
En contre bas d’un coup d’œil furtif on aperçoit les camps de Rroms.
Depuis les passerelles du Mucem
Le Palais du Pharo, le Roucas Blanc, sa colline, sa basilique,
Ses touristes, ses autocars.
Autrefois, du Centre de rétention d’Arenc on quittait la ville en bateau
Aujourd’hui les croisiéristes y débarquent
Aux terrasses du Port les vigiles veillent.
À toute vitesse la ville mute
Se transforme,
Le Centre s’efface au profit
De la Valentine, de Grand littoral, Prado commercial
Boulevard Michelet
L’Orange Vélodrome s’est offert un toit
Plus au nord
Le parc Kalliste en cherche un.
Michel Maury juin 18, Marseille