Hicham Houdaïfa et Kenza Sefrioui ont fondé à Casablanca, les éditions En toutes lettres.(1) Leur travail est essentiel.Nous reproduisons sur ce blog un appel pour une science ouverte mis en ligne sur leur site.
Un collectif de chercheurs s’inquiète du développement des frais de publication imposés aux auteurs pour que leurs articles scientifiques soient en accès libre. Cette pratique des « APC » (Article Processing Charges) est selon eux une menace pour la bibliodiversité.
À l’heure où les technologies permettent l’accès libre, ils lancent un appel pour la Science ouverte et la bibliodiversité, invitant à imaginer un autre modèle économique permettant de développer l’édition scientifique de façon durable et mutualisée.
L’Appel de Jussieu, publié en français, anglais, allemand et espagnol, a recueilli depuis octobre 2017 les signatures de 70 universités et établissement de recherche et d’enseignement supérieur, de 16 organismes professionnels de l’information scientifique et technique et de 18 éditeurs scientifiques et sociétés savantes, en Europe, en Amérique du Nord, en Amérique latine et en Inde.
Nous, acteurs de la publication scientifique en accès ouvert, affirmons que :
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L’accès ouvert doit s’accompagner d’un soutien à la diversité des acteurs de la publication scientifique – la bibliodiversité – qui mette fin à la domination par un petit nombre d’entre eux dictant de ce fait leurs conditions aux communautés scientifiques ;
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Le développement de modèles innovants de publication scientifique doit être une priorité budgétaire car il constitue un investissement pour obtenir des services qui correspondent aux besoins réels des chercheurs à l’ère numérique;
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Des expérimentations doivent être soutenues au niveau des pratiques d’écriture (publication des données associées), des procédures d’expertise (évaluation ouverte), des services éditoriaux sur les contenus (Edition web au-delà du pdf), des services additionnels (fouille de texte) ;
4
Les systèmes d’évaluation de la recherche doivent être profondément réformés et adaptés aux nouvelles pratiques de communication scientifique;
5
Les investissements dans le développement d’outils open source sur lesquels reposent ces pratiques innovantes doivent être multipliés et coordonnés ;
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La communauté scientifique a besoin d’un cadre juridique stable et sécurisé dans les différents pays pour bénéficier de services performants de fouille de texte sur les publications scientifiques qui en intensifient l’usage ;
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Les communautés scientifiques doivent avoir accès à des infrastructures nationales et internationales qui garantissent la préservation et la circulation des connaissances contre toute privatisation des contenus. Des modèles économiques doivent être trouvés pour assurer la pérennité de ces dispositifs ;
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Priorité doit être donnée aux modèles économiques de publication qui n’impliquent le paiement ni par les auteurs pour publier, ni par les lecteurs pour accéder aux textes. De nombreux modèles économiques équitables existent, par soutien institutionnel, par implication ou souscription des bibliothèques, par commercialisation de services premium, par financements participatifs, par constitution d’archives ouvertes, qui ne demandent qu’à être étendus et généralisés.
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Notre conviction est que la question des modèles économiques doit être replacée dans le cadre plus large des nouveaux modes d’éditorialisation sur lesquels s’appuieront demain la recherche et l’innovation et que leur développement ne peut se faire qu’au bénéfice d’une très large bibliodiversité.
Notre but est donc d’élaborer et de mettre en oeuvre des modèles alternatifs adaptés aux objectifs de la science ouverte en affirmant la nécessité de soutenir l’innovation pour une rénovation profonde des fonctions éditoriales, comme y appelle la Ligue des bibliothèques européennes de recherche (LIBER) ou l’International Council for Science (ICSU).
Nous nous associons au message clair que la League of European Research Universities (LERU) envoie à la communauté scientifique au sens large : Research funding should go to research, not to publishers! Pour cette raison, les dépenses aujourd’hui consacrées aux abonnements doivent être transformées prioritairement en investissements qui permettent à la communauté scientifique de reprendre le contrôle du système éditorial et non uniquement en nouvelles dépenses destinées à couvrir les frais de publication des chercheurs auprès des éditeurs commerciaux.
Nous appelons donc à la constitution d’un consortium international d’acteurs dont le premier objectif sera de fédérer les initiatives nationales ou locales existantes ou à construire pour établir un cadre opérationnel de financement de l’innovation en matière de publication en accès ouvert et en mutualiser le développement. Nous appelons les institutions de recherche avec leur bibliothèque à sécuriser dès maintenant une part de leurs budgets d’acquisition afin de soutenir le développement d’une édition scientifique réellement ouverte et innovante qui réponde aux besoins de la communauté scientifique.
(1) En toutes lettres est une maison d’édition spécialisée dans la publication d’essais d’écrivains, de chercheurs et de journalistes. Nos livres abordent en profondeur des questions de société liées au Maroc. Notre objectif est d’apporter un nouvel éclairage sur le Maroc d’aujourd’hui à travers des récits documentés et loin de tout sensationnalisme, en nous appuyant essentiellement sur l’enquête et le vécu des gens.
Étant nous-mêmes journalistes spécialisés dans l’investigation et la critique littéraire, nous estimons que le journalisme d’investigation a toute sa place dans la production intellectuelle et éditoriale, car il apporte une nouvelle manière d’appréhender les phénomènes de société, suscite le débat et donne la possibilité aux lecteurs d’avoir accès aux réalités ramenées du terrain.
Nous considérons comme un enjeu essentiel de démocratie de rendre accessible à un public de non spécialistes les travaux produits par les chercheurs et universitaires en sciences sociales et économiques.
Nos livres contribuent à la dissémination de la culture du débat et de l’esprit critique.
Enfin, nous réalisons, intégralement au Maroc, des ouvrages d’une belle qualité esthétique et formelle, car l’objet lui-même est aussi important que son contenu.