«  Tout peut arriver à n’importe qui » tout être humain est capable du pire. Torturer, violer, tuer des enfant.

Smith Henderson vient d’écrire son premier roman «  Yaak,valley, Montana et se trouvait à Paris à l’occasion du festival « America « de Vincennes.

Fils de bucheron habitant le Montana, il est devenu assistant social,tout simplement parce qu’il n’a pas trouvé d’autre travail. Ce qu’il raconte et écrit sur la condition humaine est tranquillement terrifiant. Loin des adeptes du marketing qui n’ont en tête que l’optimisation de toute chose, il est quasiment convaincu que si nous agissons mal, c’est que profondément nous travaillons à notre auto-destruction, comme si aller jusqu’au bout du malheur ouvrait la voie à une sorte de purification, pour ne pas parler de rédemption. La religion n’est pas neutre et pour Smith Henderson il est clair que les américains ont revisité la bible pour faire de chaque existence une prison sans portes dont il est très difficile de s’échapper. Pete le héros du livre est assistant social, voire éducateur. Toujours prêt à venir en aide, doté d’une véritable empathie pour l’autre, il va cependant d’échec en échec. Il se fait casser la gueule plus souvent qu’à son tour et n’est jamais là quand sa présence est requise par ceux qu’il aime. Ainsi sa fille chérie qui a disparu et qu’il ne retrouvera jamais. Est-ce à dire que ceux qui sont censés protéger les déshérités de ce monde, découvrent à l’usage qu’ils sont aussi vulnérables, fous que les personnes qu’ils prennent en charge ?

L’auteur, se garde bien de mettre les points sur les i. Il affirme plutôt qu’à force de fréquenter des déséquilibrés… on devient soi-même très malade, car le plus difficile est sans doute de prendre soin de soi. Il faut, pour ne pas succomber, une force de caractère peu commune. On pourrait presque dire que l’on se sent plus grand dans le malheur, que dans une vie saine ou respirable. Pourtant ici dans le Montana la nature pourrait être une alliée. Elle est dotée d’une puissance tellurique. Pour qui sait prendre le temps, elle incite chacun d’entre nous à ralentir, prendre la mesure de sa beauté et descendre profond à l’intérieur de lui même pour trouver sa vérité et pourquoi pas la paix. Smith Henderson avant de devenir écrivain a fait quelques travaux d’écriture sur commande, ainsi il a été rédacteur publicitaire. Tout ce que son être a enregistré pendant ses quatre années consacrées aux autres

ne pouvait être raconté facilement. mais la nécessité intérieure était assez forte pour qu’il se fasse violence. Ses mots sont simples, forts du respect de soi et des autres. Il a su trouver une forme littéraire en phase avec ce qui obsède Péte. Ainsi des rafales de questions ne cessent d’interrompre le récit. Il ne sait pas, il ne saura jamais ce qu’est devenue sa fille. Le lecteur, hélas le sait. La route du chagrin le plus profond est bien ouverte. Ici une mère désespérée abat ses enfants, l’un après l’autre, avant de se suicider. Un seul est préservé et pour le père qui est soupçonné, dire ce qui s’est réellement passé est encore plus horrible que d’être pris pour un meurtrier. Il n’y aura jamais assez de silence, de vent et de beauté pour oublier ces tragédies. Pourtant, c’est sans doute loin des villes et de leurs illusions de vitesse qu’un humain ouvert aux autres humains pourrait avoir quelque chance de se retrouver. Smith Henderson est curieux de tout. Il sait ce qu’il doit à Faulkner, Jim Harrison le magicien du Montana. Parmi les auteurs plus récents il cite Noe Holland, Marlon James. Voilà un homme qui sait voyager dans des contrées qui ne sont pas toujours référencées dans les guides touristiques.

Contrairement à tous ceux pensent que la normalité est une notion statistique, il a l’audace de pointer l’aberration des individus qui, au quotidien, étranglent la vie. En réalité, ils ne voient plus rien, et n’imaginent pas qu’ils pourraient se conduire autrement. Jamais l’auteur ne juge. il veille seulement en pleine empathie avec les acteurs du drame à récréer ce minimum de distance avec soi même qui pourrait permettre d’éviter que toutes les difficultés subies ne se transforment en tragédie.

Un tel livre pourrait bien servir de miroir, un miroir aussi amical que dénué de toute complaisance. il n’y a pas d’âge pour apprendre à vivre. La littérature authentique n’a pas besoin de se vouloir utile, elle l’est en profondeur et sauvagement.

 

François Bernheim

 

Yaak,valley, Montana de Smith Henderson

traduit de l’américain par Nathalie Peronny

Editions Belfond

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