De livre en livre, Marie de Hennezel trace une route où l’expérience et la réflexion ne cessent de se nourrir. Son objectif ? Sans doute quelque chose qui ressemblerait à une volonté patiente et opiniâtre de mettre à la disposition de ses contemporains des outils leur permettant « d’être bien » , c’est à dire d’exister aussi fort que possible en créant de l’harmonie, autour d’eux et pour eux. Les expériences poursuivies par Marie de Hennezel dans des conditions extrêmes : soins palliatifs, suivi psychologique de malades du sida, ainsi qu’une démarche de longue haleine en direction des personnes âgées, lui ont permis déjà dans ses précédents livres, de ne pas voir dans le vieillissement qu’un naufrage. Bien au contraire l’auteure met en avant les aspects éminemment positifs du vieillissement. Ainsi la lenteur dans un monde obsédé par la vitesse devient une contrevaleur. Prendre le temps de goûter, prendre le temps de faire les choses est facteur de richesse. Ne plus maitriser totalement ce que l’on fait est au premier degré un défaut. Mais en allant plus loin, la maladresse peut se transformer en lâcher prise . Le jeunisme qui obsède tout un chacun a bien entendu sa raison d’être dans une société obsédée par l’apparence, une société qui d’ailleurs n’aime pas plus les jeunes que les vieux mais qui valorise l’instant présent, l’instant où l’on croira être plus, parce que l’on aura la capacité de posséder plus.
Marie de Hennezel ne part jamais en guerre contre personne, plutôt que d’être critique, elle valorise. Sa force de conviction est aussi forte que sa modestie. Avant d’affirmer elle écoute, elle enquête. Sex & Sixty «  un avenir pour l’intimité amoureuse »images son dernier livre ne ressemble à rien de connu. Marie, à chaque livre, invente une forme qui est la sienne. Chacun sait que pour « attraper » un public  spécifique il faut respecter les codes qui sont ceux de la tribu ou de la confrérie, l’auteure, sans éprouver le besoin de « casser la baraque » c’est à dire de créer plus ou moins artificiellement des antagonismes entre lecteurs avertis et non avertis, manifeste l’exigence la plus forte : personne à priori n’est imperméable au plaisir. Toute personne sexuée a, à tout âge, vocation à se nourrir d’amour.
Les corps peuvent se flétrir, les érections masculines s’inscrire aux abonnés absents, il n’en reste pas moins que deux êtres qui s’aiment, deux êtres qui se parlent ont vocation à découvrir ensemble un plaisir érotique qui s’apparente à une jouissance totale. Ainsi à partir de l’acceptation de soi, de son vieillissement, donc à partir de quelque chose qui en apparence pourrait s’apparenter à un appauvrissement il devient possible de découvrir l’autre, de le faire jouir des pieds jusqu’à la racine des cheveux. Tout se passe lentement, lentement, l’amour dure des heures. Marie de Hennezel a interrogé de nombreuses personnes, connues, pas connues qui lui ont parlé en toute liberté. Nous avons beaucoup à apprendre des civilisations orientales. L’amour est le plus puisant fortifiant qui puisse exister. Le secret de la longévité est là. Chacun a vocation à trouver son mode de jouissance, à inventer un rapport au monde total. Cette relation si elle est d’abord intelligence corporelle est capable de nous élever spirituellement, de nous faire toucher au sublime. Trop souvent une vision étriquée de l’existence condamne la sexualité entre personnes âgées, sous prétexte qu’elles ne sont pas belles à voir et surtout qu’il y a un âge pour tout. Foin des préjugés imbéciles et d’une morale dite bourgeoise, Marie de Hennezel magnifie l’amour sous toutes ses formes. Est-elle pour autant une auteure subversive ? On ne répondra pas à cette question ou du moins on remarquera qu’ici on se prend, on s’étreint, on jouit en toute liberté en toute innocence. Les mâles surpuissants qui font l’amour comme on joue au baseball sont hors d’état de nuire. Ici on accueille, on reçoit, on est attentif au plaisir de l’autre. Les valeurs féminines prennent le dessus et chaque sexe en profite pleinement. Les plus de soixante ans ont beaucoup à nous apprendre.
Non sans malice Marie de Hennezel cite Paul Valery «  ce qu’il y a de plus profond en moi c’est la peau » Pensée pénétrante, n’est-il pas ?

François Bernheim

Marie de Hennezel
Sex & Sixty
Un avenir pour l’intimité amoureuse
Editions Robert laffont/ Versilio

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