De quelle encre Jean-Bernard Pouy, créateur du Poulpe se sert-il, pour écrire
« Tout doit disparaitre » cinq courts romans ciselés sur l’autel de la frayeur existentielle ? Une encre sympathique, bien sûr, très noire mais parfois blanche, parfois rouge, une encre ou la désespérance le dispute à la gouaille d’un auteur incapable d’accepter la finitude d’univers certes chaotiques mais verrouilles au dernier degré.
Dire que les histoires racontées dans ces 5 romans sont d’un intérêt inégal serait peut être exact mais en même radicalement faux. Jean-Bernard Pouy est un pêcheur d’étoiles, une sorte de funambule dégingandé assez pudique pour, sous la provocation, l’humour, développer une exigence hors norme. Les fulgurances sublimes atteintes dans des récits comme La pêche aux anges, le cinéma de papa l’homme à l’oreille croquée, un chef d’oeuvre, à la limite du feuilleton à deux balles , sont des prises de risque insensées. Imaginez un adolescent qui n’a rien demandé sur lequel se tient allongée, une merveilleuse jeune femme qui le caresse et le bécote, sans oublier de rire, alors que le train a déraillé et qu’elle même est en quelque sorte poignardée par un objet non identifié. Imaginez un film où l’on voit un jeune homme tout nu, sexe dressé saluant Trotsky avec son engin avec de mimer une copulation infernale avec un autre homme. Avant d’écrire des romans noirs, Jean Bernard Pouy écrit des romans. La quête existentielle de ses héros est première. Ils évoluent dans des univers où la poisse, la saleté, la méchanceté du monde obligent à tracer les contours d’univers violents et criminogènes. Raison de plus pour ne pas renoncer à transformer le monde, à faire de la politique en compagnie des gens du populaire. L’auteur témoigne d’une vraie tendresse pour les gens du peuple. Qui le veut bien , derrière les apparences , découvre l’authenticité des émotions, des appétits de culture aussi frais que puissants, à travers des guides sans concession comme Wittgenstein ou Kierkegaard. In Vino veritas ! Attention, cet homme, JBP, est dangereux. Emporté dans la folle quête de l’assassin de sa mère , le héros fera l’amour avec sa soeur. Normalement la chose est qualifiée d’inceste.Ici beauté, pudeur extrême sont là pour nous dire que tout est possible et pas seulement le pire ! Est-ce ainsi que l’on venge sa mère ? On peut en douter, comme on peut douter de tout. Ici encore la fulgurance de l’instant brave l’interdit. Sans doute un détective très professionnel pourrait avoir une opinion intéressante sur la question. Surtout quand il d’appelle Maquenaud. On pourrait aussi ce demander si le quidam n’est pas le frère d’un certain Nestor Makhno, communiste libertaire, à moins qu’il ne soit le cousin de Raymond simplement, Quenaud, poète, créateur d’un univers où l’imaginaire populaire de la halle aux foins rejoint les traits d’esprit les plus acérés. Bref, le lecteur aura compris que, pour qui ne craint ni plaies, ni bosses, ni le surgissement du sublime, lire jean Bernard Pouy ,en été comme en hiver, est un régal.
François Bernheim