Passionnée de littérature Francine Pampuzac est une lectrice aussi éclairée que généreuse. Chaque mois elle envoie à ses amis, ses notes de lecture. Mardi ça fait désordre est heureux d’en faire profiter nos lecteurs

 

 

 

Lectures de janvier 2015 – Francine Pampuzac

Ramatuelle – Pierre Bourgeade- ( Editions Tristram- 2007 /2014)

80 pages, écrites au scalpel, suffisent à Pierre Bourgeade pour raconter une semaine de la vie de Françoise. C’est une jeune bourgeoise, parisienne, très stricte, qui descend en voiture vers Ramatuelle, comme chaque année, pour préparer la maison des vacances où mari et enfants vont la rejoindre. Témoin d’un accident, son comportement varie du tout au tout, comme si son corset de conventions éclatait. Pendant 7 jours, elle fait des horreurs, elle se sent bien ! C’est vite lu, violent, incroyable, excellent et difficile à oublier.

On ne voyait que le bonheur – Grégoire Delacourt ( JC Lattès octobre 2014)

Il y a 3 parties dans ce livre. Dans la première, Antoine raconte sa vie à ses deux enfants Léon et Joséphine. Il évoque ses parents, le manque d’amour de la part de sa mère et puis les difficultés de son boulot d’expert en assurances : il est payé pour être un salaud. Ce chapitre se termine par un horrible drame, que le lecteur n’a pas vu venir du tout. Deuxième partie. On retrouve Antoine sur la rive ouest du Mexique. Troisième partie, c’est Joséphine qui tient la vedette. Suivie par une psy, il faut lire tout ce qui lui passe par la tête. Toute l’histoire est touchante, bien contemporaine, écrite en petites phrases acerbes, criantes de vérité. Voilà un roman qui surprend, original. Pas mal du tout.

Le clan du sorgho rouge – Mo Yan ( Seuil sept 2014).

Le narrateur évoque 1939, en Chine, dans le canton Nord Ouest de Gaomi. Son père ( 14 ans) et son grand père sont aux prises avec des combats contre l’envahisseur japonais, mais aussi avec les premiers groupes communistes et l’armée officielle. Sans oublier les bandes de brigands ! Il y a énormément de combats dans ce livre, mais aussi des histoires d’amour, avec les deux grands-mères ( Ah ! le pied menu sortant du palanquin de la fiancée..), avec les traditions, et surtout avec le sorgho mêlé constamment à la vie de tous ces personnages. Sans souci de chronologie, les scènes se succèdent. On passe du rire au tragique, de la tendresse à la torture, de l’héroïsme à la trahison et souvent le sang, les ordures et même les excréments roulent sous nos yeux. Brutal et merveilleux, ce livre, nourri des souvenirs de l’auteur, vous laisse KO , au milieu d’un immense champ de sorgho !Mais celui de maintenant ne vaut pas celui d’hier, dit l’auteur.

 

Debout- payé – Gauz ( Le nouvel attila sept 2014)

Debout-payé, ainsi se résume le travail d’un vigile, oui, cet homme qui se trouve à l’entrée de la grande parfumerie ou du grand magasin. En général il est noir et doit rester debout 8 heures d’affilées. L’auteur sait de quoi il parle car, ivoirien, il a été vigile, notamment au Séphora Champs Elysées et chez Camaieu. Son héros, Ossiri, nous fait entrer dans le monde des africains sans papiers, cherchant à s’en sortir. Ceci sans aucun misérabilisme, mais avec un œil lucide sur notre société parisienne. Ce livre, plein, d’observations, de choses vues et entendues, m’a beaucoup plu et je ne regarde plus les vigiles de mon Monoprix du même œil.. !(A noter la très jolie présentation de ce livre. Bravo Attila).

Vernon Subutex – Virginie Despentes – ( Grasset- janvier 2015)

Vernon était disquaire, mais il a fermé boutique, épuisé ses économies et tous les recours sociaux. Expulsé il va chercher parmi ses amis et anciens clients, ceux qui peuvent l’héberger «  pour une ou deux nuits » car dit-il il vient du Canada régler quelques affaires. A sa suite, on va découvrir notre époque avec une vingtaine de personnages : une ex bassiste , un scénariste de droite avec petite chienne, une bourgeoise riche, un trader, un trans, la Hyène (voir livre précédent), une jeune fille voilée, etc.. etc… Mais Vernon possède un enregistrement sans savoir qu’il vaut peut-être de l’or. On le recherche. Cette histoire est menée tambour battant avec le style à l’emporte-pièce propre à V. Despentes : direct et cru. Et le lecteur reste en suspens à la dernière page, car il y aura une suite en mars. Vivement le printemps. Inutile de dire que j’ai beaucoup aimé.

13 à table – (Pocket – 2014)

Chez votre libraire, offre-vous pour 5 euros ce recueil de 13 nouvelles, autour du thème du repas, écrites par 13 auteurs différents ( Tatiana de Rosnay, Eric Emmanuel Schmitt, Maxima Chattam, entre autres). Non seulement les histoires ne sont pas mal du tout, mais chaque livre génère 3 repas aux Restaurants du Cœur. En effet, d’un bout à l’autre de la chaine, auteurs, éditeurs, imprimeurs, distributeurs, libraires, tout a été offert au profit ce cette belle association qui manque cruellement de sous.

 

 

Comment les grands de ce monde se promènent en bateau – Mélanie Sadler (Flammarion – janvier 2015)

Le premier chapitre a failli me décourager. Un vieux prof, à Buenos Aires, Javier Léonardo Borges (mêmes initiales que le Juan Luis Borges bien connu- pourquoi ?) a l’intuition d’une découverte mettant à mal l’histoire officielle de l’Empire Ottoman. Il charge un collègue de faire des recherches à Istambul. En bref, ce roman relie la conquête du Mexique par Cortès et l’histoire de Suleyman le Magnifique. Le livre est fait pour utiliser, de façon romanesque, une grande connaissance historique. Son style alerte, plein d’humour ne le sauve pas. Mais son auteure a 27 ans. Donc tous les espoirs lui sont permis.

Le voyant – Jérôme Garcin – (Gallimard – janvier 2015)

«  Il ne reste pas grand-chose de la vie brève de Jacques Lasseyran » ecrit Jérôme Garcin à a fin de son livre. Voilà pourquoi il a voulu secouer notre indifférence. Devenu accidentellement aveugle à 8 ans, Lasseyran refuse sa cécité comme handicap, mais au contraire comme une manière de voir autrement. A 17 ans, en pleine occupation allemande, il devient chef d’un réseau de résistants, ce sera Buchenwald ! Incroyable, il s’en sortira. Il deviendra professeur de lettres mais pas en France : son « handicap » lui interdisant les concours menant à l’enseignement !. Jérôme Garcin fait revivre ce personnage incroyable. C’est édifiant, impressionnant.

Soumission – Michel Houellebecq – ( Flammarion – janvier 2015)

C’est François, quadragénaire, seul et désabusé, Prof de lettres à Paris III-Sorbonne qui raconte sa vie. On est en 2022, des élections se préparent, et il philosophe beaucoup en compagnie de Huysmans, son écrivain de chevet dont l’état dépressif lui va comme un gant. Il faut attendre une bonne moitié du livre pour que les élections mettent un musulman à la tête de notre pays. Et là, je me faisais une joie de découvrir les changements de notre société sous la plume de Houellebecq .. Hélas toute la fin du livre ne va concerner que François. Les femmes au foyer, les hommes au boulot, l’argent du Qatar tout est expédié en quelques pages et personne ne bouge. Quant à François, ce qui le mènerait à se convertir à l’Islam c’est la polygamie.( Le dernier chapitre est écrit au conditionnel). Dans cette fable, tout est vu d’un œil très masculin . En résumé, je me suis bougrement ennuyée.

 

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