Lectures de mai 2014.

Francine Pampuzac

 

Les douze tribus d’Hattie – Atana Mathis –( Gallmeister oct.2013)

Le livre est axé sur Hattie, jeune noire dont on fait la connaissance en 1925, à Philadelphie. Elle a 17 ans, déjà maman de deux bébés jumeaux très malades. Chaque chapitre du livre porte le prénom d’un des 11 enfants ( !) qu’elle va avoir. Et cela mènera le lecteur jusqu’aux années 80. Difficile de lire ce livre sans être très remué par des épisodes particulièrement durs. Ainsi lorsque Hattie décide de donner un bébé à sa sœur parce que sa misère est trop grande. Où quand écoeurée par la passivité de son mari, elle décide de le quitter avec la petite Ruthie serrée contre elle. Autrement dit, ce bouquin n’est pas rigolo, mais ce récit , si vrai, fait parcourir le XX éme siècle de ceux qui subissent le racisme et à la misère. Images de l’Amérique profonde Je m’en voudrais de décourager quelqu’un de lire ce livre magnifique en disant qu’il n’est pas drôle. Il est passionnant, vraiment.

Une vie en crobards – Jacqueline Duhême –( Gallimard Mars 2014)

Jacqueline est une délicieuse illustratrice. Sur les coups de ses 87 ans, elle raconte sa vie . Page après page, son récit s’écrit en écriture manuscrite, ponctuée par ses jolis dessins enfantins, pleins d’idées et de poésie. Et la vie de Jacqueline, c’est quelque chose ! Elle nait bâtarde dans une famille bourgeoise, elle connaitra la guerre, l’Assistance Publique, mais très jeune, avec dispense, elle intégrera les Beaux Arts. Et peu à peu ça démarre. C’est fou tous les gens qu’elle va rencontrer : Matisse, Picasso, Prévert , les Lazaref ( 10 ans à Elle) les Kennedy, le Général de Gaulle, etc.. Paul Eluard, Raymond Queneau, Jean d’Ormesson entre autres verront leurs textes illustrés par elle. Le tout est un peu en désordre, le tout est toujours tendre et malicieux, le tout est sur papier kraft. Une merveille de bouquin. On craque d’un bout à l’autre.

Le bruit des autres – Amy Grace Loyd – (Stock – mars 2014)

Nous sommes à Brooklyn. Là, Celia loue des appartements dans l’immeuble dont elle est devenue propriétaire après la mort de son mari bien aimé.. Elle veille à l’harmonie de l’ensemble. Mais arrive Hope, belle femme « douée pour tout » et son comportement va perturber Celia. Ajoutez à cela la disparition de son locataire le plus âgé, et vous verrez les choses se lézarder peu à peu, y compris la personnalité de Célia. C’est un premier roman, intrigant, vivant, très réussi dans une ambiance feutrée avec beaucoup de suspens.Excellent.

Expo 58 – Jonathan Coe- ( Gallimard – mars 2014)

Amusant, vraiment. Imaginez Thomas qui travaille benoitement au Ministère de l’Information à Londres,. Le voilà investi de la responsabilité du Pub qui va être construit entre les deux pavillons britanniques à l’expo 58 de Bruxelles. Pourquoi cet honneur ? parce que sa mère est Belge et que son père a tenu un pub..Il laisse à la maison femme et bébé et plonge dans une nouvelle vie : une belle hôtesse, un journaliste russe trop poli pour être honnête, etc..C’est une parodie de roman d’espionnage, très réussie. Bien sûr, on voit parfois les grosses ficelles, mais il y a aussi de belles surprises. Un bon moment à passer.

 

La passion – Jeanette Winterson – ( L’Olivier . Octobre 2013)

L’an dernier «  Pourquoi être heureux quand on peut être normal », récit autobiographique, avait impressionné. Cette fois, c’est une réédition d’un livre paru en 1987 qui régale es fans de cette auteure. On y rencontre Henri, jeune soldat, à Boulogne, aux côtés de Napoléon ( sa passion) chargé de lui faire rôtir ses poulets, tandis que se prépare l’invasion de l’Angleterre. Mais aux pages 70, on fait la connaissance de Villanelle, jeune fille de Venise, croupière au Casino, déguisée en homme. Ces deux-là se rencontreront lors de la Guerre de Russie. Au-delà de l’histoire, des aventures, il y a un style très personnel, très poétique, qui fait monter les émotions en restant toujours un peu lointain, allusif même parfois. Oui, il y du mystère dans ce livre extraordinaire si facile à lire.

En kit – Laure Naimski – ( Belfond – Février 2014)

L’héroîne précise tout de suite qu’elle a 32 ans, mais que son amant l’ayant quitté, elle va installer une tente dans son appartement pour s’y installer. Et la voilà qui enfonce les sardines dans le beau plancher.. Hélène est un drôle de numéro, pas vraiment folle, mais quand même un peu dérangée. On suit ses aventures, tantôt en souriant, tantôt un peu triste, tantôt très inquiet : mais que va-t-elle encore inventer ? Bien sûr c’est une fable, pas banale, qui se lit en 3 heures! Je vous prévien ,on ne peut pas s’empêcher d’aimer Hélène !

 

Le Lys de Brooklyn – Betty Smith –( Réédition Belfond, d’un Hachette 1946)

Quand le gros roman commence, Francie a 10 ans et à la fin des 708 pages, elle en aura 17. On démarre donc en 1906, dans un quartier très pauvre du Brooklyn d’alors. Et peu à peu, de détail en détai, on découvre sa vie, sa mère si jeune, son frère né juste un an après elle, et son père-serveur chanteur, superbe, mais hélas alcoolo. Cette histoire, largement autobiograhique, a le don de vous attraper dès le début, à la manière d’une série télévisée. On veut suivre la vie de Francie, a travers mille scènes , jamais pleunichardes ( et pourtant il y aurait de quoi !) qui sonnent tout à fait vrais. Francie adore la lecture, elle a soif de culture, Elle est très consciente de la pauvreté de sa famille, mais elle fait avec, bravement. Elia Kazan a réalisé un film de cette histoire qu’on réédite donc, et qui le mérite cent fois.

La grande nageuse – Olivier Frébourg –(Mercure de France –avril 2014)

«  A cet âge, elle, la Bretonne au sang vietnamien, ressemblait à une iroquoise ». Voilà la première phrase de ce très joli roman de 150 pages. Le narrateur nous présente ainsi Marion, son amie d’enfance à Quiberon. Lui fera Navale et sera sur l’eau, elle préparera une thèse sur l’antiquité  et passera une bonne partie de sa vie à nager. Lui au-dessus de la mer, elle dedans, leur histoire va nous être contée par le narrateur qui est non seulement marin, mais aussi peintre et dessinateur. Alors tout le long du livre, nous allons de portrait en portrait tracés avec une écriture presque distanciée, en tout cas très pudique, sans lyrisme ni superlatif. Ainsi vit sous nos yeux cette superbe grande femme dont il dit, à un moment : «  Cette nageuse était-elle ma femme, la part la plus intime de ma vie, ou une étrangère au langage où je n’accèderais jamais ? » Très beau livre, tout en retenue, avec quand même, tempête en mer, voyages au Vietnam, aux Antilles, etc..

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