Avec « Comment s’en mettre plein les poches en Asie mutante » Mohsin Hamid déboulonne les idoles qui nous cernent, nous rabotent, nous asphyxient. Emule du père Ubu et d’Alphonse Allais, il ne craint de faire exploser les poncifs les plus éculés. Est-ce en effet bien raisonnable de proposer à des milliers de lecteurs une voie personnelle de développement pouvant convenir à tous et donc à personne ?
Subtil et joyeux Mohsin Hamid, plutôt que de tirer au bazooka sur tout se qui casse la vie, se présente presque comme un bon élève, soucieux de grandir, s’enrichir. Porté donc par une mauvaise fois réjouissante, il va se pencher sur la vie et développement d’un jeune asiatique qui commence tout petit par quelques magouilles, ensuite devient entrepreneur respectable, se mariera avec une femme belle et respectable non sans regretter la fulgurance d’un amour avec une jolie fille qui s’est donnée à lui pour mieux disparaître et réapparaitre puis disparaître à nouveau avant de réapparaitre définitivement pour accompagner sa vieillesse. Bien entendu tout foire, sa femme s’en va, ses concurrents veulent sa peau, il est trahi par son bras droit. Il fait faillite, est à deux doigts de mourir, mais cette cata est salvatrice, c’est elle qui lui permettra de connaître et prendre en compte l’essentiel : être soi, être accompagné par quelqu’un qui vous aime pour vous même plus que pour vos poches qui à un moment ou à un autre ont été pleines, regarder le monde comme il est , mais aussi comme on l’imagine.
Toi lecteur ou lectrice que l’auteur tutoie sans vergogne, comme s’il était trop pudique pour ne pas faire semblant d’être un usurpateur, toi qui auras pris le risque magnifique de l’échec, tu pourras crier au sublime à la fin de ce livre en lisant ces lignes «Nous sommes tous exilés de notre enfance, c’est pour cela que nous avons recours à des histoires entre autres palliatifs. En écrire une, en lire une, c’est s’exiler de l’état d’exil »
Avant de vouloir lire ce livre encore plus émergent que le Pakistan où est né l’auteur je ne savais pas que son traducteur était Bernard Cohen. Les auteurs qui excellent à avancer sur une pente savonneuse en zigzaguant avec autant d’ élégance que de drôlerie au bord du gouffre, sont sûrs de trouver en lui, un complice à la hauteur de leur sensibilité.
FB
Comment s’en mettre plein les poches en Asie mutante » de Mohsin Hamid – Editions Grasset