Un journaliste allemand âgé de 47 ans, Timur Vermes, pour son premier roman fait revenir Hitler sur terre. L’ex führer, 66 ans après, se réveille dans un terrain vague, il ne connaît personne, n’a bien sûr aucune idée sur l’évolution sociale et politique de son pays, s’étonne qu’on ne fasse plus le salut nazi, mais est toujours convaincu que le monde et l’Allemagne en particulier ne devront leur salut qu’au nationalisme socialiste incarné par la figure charismatique de sa propre personne. Hitler fait connaissance d’un kiosquier qui lui fait faire connaissance de producteurs et de responsables d’une chaîne de télévision. Tous ses interlocuteurs sont subjugués par le talent pince sans rire de cet acteur qui affirme être le führer en personne et ne renie rien de ses convictions exterminatrices. Les prestations d’Hitler font grimper l’audimat en flèche, les passions pour et contre se déchainent, tous les partis s’arrachent celui qui a toutes les chances de redorer leur blason. Hitler se fait casser la figure, mais le livre se termine avant qu’il n’ait pu passer à l’action.
Daniel Martin journaliste à la Montagne et moi même avons rencontré Timur Vermes dans les jardins d’un hôtel du 6éme arrondissement. L’auteur affirme avoir eu l’idée de faire renaître Hitler indépendamment de toute considération sur la montée du populisme en Europe. Il a eu cette idée là ,ex nihilo. Sa démarche est plus celle d’un expérimentateur scientifique que celle d’un romancier. Il sort Hitler de son formol, le réveille et note ce qui se passe. Son livre est ouvert à toutes les interprétations possibles :
– il est l’œuvre d’un nostalgique du national socialisme
– Bien au contraire il jette un cri d’alarme. Camarades restons vigilants.
– Il est le produit d’une génération désabusée, ne croyant plus à la politique ni aux simulacres démocratiques.
– Sans être d’extrême droite il répond aux angoisses de tous ceux qui ont perdu repères et identité, broyés par la crise.
– Etc, etc
– Timur Vermes est assez intelligent ou malin pour refuser de justifier son propos. C’est au lecteur de donner un sens à son livre, pas à l’auteur. Il déteste tous ces écrivains qui obligent leurs lecteurs à penser comme eux.
Peut-on dire qu’ « il est de retour soit une satyre ?
Non. L’extermination systématique, des juifs, tziganes, communistes, syndicalistes, noirs homosexuels est une réalité incontournable. Cette réalité est en soi une caricature de l’humanité. Recréer un personnage à l’identique, 66 ans après témoigne d’un certain culot, pas d’une grande imagination. L’Hitler du livre n’est pas un acteur il est Hitler.
Quand Brecht écrit « la Résistible ascension d’Arturo hui » , il crée lui , une œuvre satyrique. Hitler alias Arturo Ui dirige gang qui réussit à s’introduire dans le trust du chou fleur. Grâce à la protection obligée qu’il offre aux marchands de chou fleur de Chicago il parviendra à prendre le pouvoir. Bretch décale le propos et surtout démonte l’entreprise criminelle. Hitler n’est pas seulement un homme mais un système jouant les nazis comme antidote au communisme.
Contrairement à ce que semble penser Timur Vermes nous n’avons pas à avoir une opinion sur Hitler. On se moque qu’il ait pu ou non un méchant homme ou un bon amant. Il a prôné la haine, pratiqué l’assassinat de masse n’est-ce pas suffisant ?
Ressusciter ce personnage, comme s’il tombait du ciel, est habile à défaut d’être téméraire. Nous vivons une période de régression, ou chacun peut dire tout et son contraire à condition de ne pas vouloir changer le monde. « Il est de retour » est déjà un best seller va-t-il tirer à plus de 6 millions d’exemplaires ?
Voilà pour un auteur qui semble détester les médias un beau coup médiatique.
Pourquoi Hiler est –il de retour ? Pour faire du fric !
Pourquoi ça marche ? Sommes nous amnésiques, malades, désabusés, totalement insécurisés?
Sans doute, mais aucun d’entre nous n’est obligé d’aller plus loin dans la haine de soi. A quand le retour d’une l’humanité ouverte aux autres ?
François Bernheim
Il est de retour
de Timur Vermes
Editions Belfond