Lectures d’octobre 2014 –
Depuis qu’elle dispose de tout son temps pour faire ce qu’elle aime Francine Pampuzac lit, tous les auteurs qui lui paraissent pouvoir ajouter à son plaisir. Amoureuse de la lecture, elle aime aussi partager et envoie ces notes de lecture, tous les mois à tous ses amis. Son enthousiasme, sa fraîcheur n’ont aucune prétention critique, mais elle touche si souvent juste. Nous la remercions de la confiance qu’elle nous fait.
Marina Belleza – Silvia Avalonne – (Liana Levi Août 201)
L’auteure a situé son roman dans la « Valle Cervo », montagne du nord de l’Italie et c’est sa région natale. Le décor est là , vrai. Mais les personnages qui vont y évoluer sont romanesques en diable. D’abord Marina, 22 ans, belle, rebelle, et blonde, qui veut devenir star de la chanson, avec sa mère alcoolo et son père toujours jamais là. Dans la maison en face, Andréa, fils de notaire, avec ses idées de gauche-écolo qui veut reprendre la ferme de son grand-père. Deux univers opposés. Les je- t’aime- moi-non-plus courent tout au long de 550 pages pleines de rebondissements. Marina domine l’histoire : « sur ses talons vertigineux, ses bas résille, ses 22 ans magnifiques, bourrée de rancœur jusqu’à la gueule » . Vous voyez le genre, ça c’est du roman !
La déesse des petites victoires – Yannick Grannec – ( Anne Carrière 2012)
En 1980, une jeune femme, Anna, est chargée par l’Université de Princeton de récupérer les archives de Kurt Gödel, l’un des plus grands mathématiciens du siècle. Ces archives, c’est sa veuve, Adèle, qui les a. Anna va donc avoir à faire avec unevieille dame acariâtre qui rouspète dans sa maison de retraite mais va pourtant lui raconter sa vie, et quelle vie ! Elle est tombée amoureuse de Kurt en Autriche, dans les années 30 et ce savant se révèlera un paranoïaque trimballant des souffrances maladives. Adèle, l’aime, l’aimera jusqu’au bout, le suivant dans son exil aux Etats-Unis, faisant bonne figure auprès de ses scientifiques amis – Einstein ou Oppenheimer entre autres. Un amour incroyable de la part d’une femme au caractère solidement trempé. Les théories savantes se mêlent à la vie de ce couple étonnant. Un livre très vivant, d’une richesse extraordinaire.
Khomeiny, Sade et moi. Abnousse Shalmani –( Grasset avril 2014)
Oh ! la ! la ! Quel souffle ! « Petite fille j’étais déjà bagarreuse ». A 37 ans, cette « réfugiée politique iranienne » comme elle s’amuse à se nommer, prend la plume pour faire la guerre aux barbus et aux corbeaux. Pendant 300 pages, l’auteure raconte son enfance, ses révoltes, ses évasions grâce à la lecture et au pouvoir des mots .Elle ira de la littérateur libertine jusqu’à Sade ( curieux parcours quand même) pour lutter contre l’oppression en générale et celle du corps féminin en particulier. Il faut lire sa stupéfaction en voyant des femmes voilées quand elle arrive en France !
Loin de Paris – Jean Marie Perier –( Kero 2014)
Au début des années 2000, Jean Marie Périer a décidé de s’installer « Loin de Paris » dans l’Aveyron. Mais dès 2004, il obtient du journal du coin, de tenir une petite rubrique hebdomadaire sur les gens qu’il rencontre ou qu’il a rencontrés. Cette centaine de billets sont réunis dans ce livre, avec à chaque fois, une photo. Il y a énormément de célébrités, mais aussi des anonymes qu’il aime. Les textes sont très courts et très inégaux. Reste une succession de petites photos qui font bien plaisir, Danielle Darrieux et Micheline Presle, Vincent Lindon, Jean Demachy, Daffy le chien, Madame Sarkosi et son fils Nicolas, Laurette Moulet qui tient une vraie quincaillerie,etc.. etc.. Très sympa.
Peine perdue – Olivier Adam – ( Flammarion Août 2014)
Mario, dans ce camping des bords de la Méditerranée est en train de repeindre les caravanes. Divorcé il pense qu’il va aller chercher son fils . Chapitre suivant, c’est Marion, son ex-femme qui reprend l’histoire. Elle travaille dans un hôtel où elle remarque un couple de personnes âgées, très unis. Et au chapitre qui suit, c’est l’homme du couple qui parle .. Voilà l’ idée : un chapitre, un personnage qui parle, qui pense surtout. Et ainsi se déroule une histoire dans ce microcosme d’une station hors saison, une histoire qui est un reflet de notre époque : le manque d’agent, les amours, le foot mais aussi des magouilles .Le tout raconté avec un style incisif, qui ne fait pas de cadeau. Un très bon roman, vraiment.
Le livre de l’eau – Edward Limonov – ( Bartillat Août 2014)
Limonov ? Rappelez-vous, Emmanuel Carrère nous a raconté la vie de ce Russe aux multiples activités.. Pour l’heure, nous sommes en 2001, et l’homme et en prison. Poutine n’a pas apprécié qu’il monte un parti révolutionnaire. Dans sa cellule, il écrit des tas de « souvenirs aquatiques » car tous se passent au bord de l’eau, rivières et fleuves, mers et océans, lacs, et même à la fin, sous la pluie. Les histoires – quelques pages à chaque fois- baladent le lecteur sur une trentaine d’années, sans aucune suite logique. Il raconte, il « se » la raconte car il s’aime beaucoup : « j’étais paresseux comme il convient à un génie ». De la politique, des guerres, des tranches de vie ( A Paris par exemple) et des femmes. Manifestement, la petite dernière , Natsia ( 38 ans plus jeune) le fait fondre. Est-il encore en prison ? Natsia l’a-t-elle attendu ? Poutine l’a-t-il oublié. Ce diable de Limonov est quand même bien attachant.
Viva – Patrick Deville – ( Seuil – Août 2014)
Emballée par « La Peste et le Choléra » j’ouvre « Viva » avec bonheur. Hélas, au bout de 50 pages je sais que « ça ne va pas le faire ». Il est question de Trotski, en priorité et aussi de Malcolm Lowry. Ils ne se rencontrent pas mais tous deux ont vécu l’exil au Mexique. Mais quel méli-mélo, de lieux, de personnages, de détails, de faits hostoriques pour reconstituer l’histoire de ces deux célébrités. Ajoutez à cela les voyages de l’auteur sur les lieux dont il parle. Ajoutes aussi que les faits sont livrés sans aucune chronologie, que même les personnages d’« Au-dessous du volcan » se mêlent à l’histoire et vous comprendrez pourquoi ce livre m’est souvent tombé des mains. Je suis allée jusqu’au bout, non sans mal, encouragée bien sûr par des passages merveilleux. J’en veux à mon petit cerveau de n’avoir pas été capable de faire un tout avec ce livre-puzzle.
Chéri-Chéri – Philippe Djian ( Gallimard – septembre 2014)
Dès la première phrase, on sent que ça ne va pas être simple : » Le jour on m’appelait Denis. J’étais un écrivain qui connaissait un certain succès et qui avait la dent dure comme critique. Certains soirs, on m’appelait Denise. Bon, je dansais dans un cabaret. ».Celui qui parle ainsi ne va laisser à personne d’autre le soin de raconter quelques années de sa vie, une vie partagée entre une femme qui l’adore, un beau-père affreux, une belle-mère pas heureuse, son éditeur et le cabaret. Le récit, sans chapitre, ne se laisse pas lâcher car Denis/Denise a le don de se mettre dans de sales draps. J’ai beaucoup aimé. C’est original, plein d’imagination, d’humour même, superbement écrit.
Les hommes tremblent – Mathieu Lindon ( P.O.L. sept 2014)
Voilà un conte moderne bien dérangeant. Mathieu Lindon imagine qu’un SDF et sa compagne ( Martin et Martine !) s’installent de le hall d’un immeuble parisien. Rien à faire pour s’en débarrasser. Martin est affligé d’un tremblement terrible, mais doté d’une parole à l’emporte-pièce. Il revendique haut et fort son droit à un abri. Il a son avis sur tous les habitants du l’immeuble. Et ces derniers, comment réagissent-ils en passant tous les jours devant la pauvreté, la crasse, la puanteur ? Bienveillants, indifférents, hostiles ? Et moi quand je lis ça je pense : qu’est-ce que je ferais ? Superbe sujet qui vous implique méchamment, mais aussi, heureusement, fait souvent sourire.. même jaune. Très bon.