C’est dans un décor minimaliste que Charlotte Rondelez nous accueille pour sa version d’Etat de siège d’Albert Camus. Nous sommes séparés de la scène par un petit muret coulissant afin de permettre aux comédiens d’incarner tour à tour de « grands » et de « petits » personnages. En effet, ils abandonnent parfois leurs corps à de petites marionnettes installés sur une scène de fortune et illuminées par paradoxalement par la nuit. La Peste s’impose arbitrairement dans cette petite ville maritime où le gouvernement semblait pourtant bien installé. Un nouveau pouvoir est mis en place, encore plus figé et paraplégique que le précédent Qu’à cela ne tienne puisqu’il fait régner l’ordre. Les « petites gens » apprennent vite à ne pas lutter, ankylosées par la peur et paralysées par le silence collectif. Une voix s’élève néanmoins parmi la foule, celle d’un jeune homme amoureux, Diego, qui n’a pas peur de donner sa vie pour que tombe l’arbitraire. Mais le personnage le plus important est sans doute la cité elle-même. Incarnée par ce tout petit décor, ces petites marionnettes et par nous, public. Nous y sommes traités, interpellés comme des habitants, et comme les autres habitants de la cité, nous restons muets et statiques face au changement. La pièce initiale durait près de trois heures. La version de Charlotte Rondelez, une heure et quart. Un laps de temps bien trop court pour comprendre ce qui nous arrive, la Peste est là, Elle a instauré son rythme et son ordre. De même, aujourd’hui s’est installé un climat de méfiance qui fait régner une peur de l’autre infondée et soutenue par les médias. Ces nouveaux visages extrémistes nous sont devenus familiers, envahissent la sphère politique et sociale et font 25% aux dernières élections nationales. Il est temps d’être le Diego qui renversera la vapeur et participera d’une nouvelle collectivité ouverte et solidaire ! Si nous voulons tendre vers une gouvernance plus juste, il faut commencer par l’être entre individus et pour cela ouvrons nos esprits à la découverte. Ne nous enfermons pas dans ce que nous croyons connaître ou dans ce qui nous est imposé comme vérité. A nous de dire non au pessimisme et de ne pas laisser l’absolutisme s’installer dans nos esprits. Alors prenons exemple, écoutons, lisons, changeons et échangeons. Etat de siège portée par une troupe dynamique, ne ménage pas ses efforts pour faire vivre cet élan du cœur vers une restructuration profonde de la société.
Ana Carvalho