Suis-je autorisé à dire autre chose que le silence ? Oui , car le silence est au bout du conte… Je pourrais balbutier quelques mots maladroits mais encore tendres pour dire ou chuchoter mon émerveillement face au livre « Le parti pris des animaux »de Jean- Christophe Bailly ». Voilà un ouvrage qui nous
annonce que nous avons un ventre, un cœur, une tête au bout des pieds et que ces organes entrent en interaction à travers l’expérience vivante qui est la nôtre. La nôtre c’est à dire celle de tous ceux qui vivent ,les animaux sûrement , les pierres pourquoi pas. Si l’univers est langages, alors nous avons à nous ouvrir au mystère multiple des existants. Toute forme de vie est intelligence de la vie, il n’est pas besoin d’introduire une hiérarchie. Il est plus intéressant de s’ouvrir de laisser respirer la vie. Parce que nous en avons invité un certain nombre dans nos maisons, nous croyons que les animaux sont proches de nous ou plutôt nous efforçons de croire cela en en faisant des porte-parole serviles. Ou alors nous en servons comme poubelle. Nous considérons que ce qui n’est pas très beau, pas très propre chez nous est notre animalité. JCB récuse cette notion .Derrière elle un double alibi, un double refus, celui de nous connaître, celui de les connaître. Ponge avait pris le parti des choses, Bailly celui des animaux. Ce qu’il en dit donne le vertige. L’animal, c’est l’autre, presque l’étranger absolu, une connaissance impossible et c’est justement cette impossibilité qui est féconde. Elle nous oblige à nous interroger sur ce qui nous échappe. Au lieu de cultiver la désolation, nous devrions en être joyeux. Ce que dit, ce que pense un animal nous échappe à travers une différence en forme d’abîme. Et si le sens justement était là , dans cette échappée. En marchant, en se promenant comme l’auteur, on peut voir des oiseaux s’envoler, on peut sans doute essayer de ramper, bondir et tenter d’avancer en sachant que l’on ignore tout. Il y a dans ce grand petit livre une tentative joliment amorcée de décolonisation des esprits. Cessons d’annexer, de classer, d’enfermer . JCB invente une démarche qui serait au centre de la réflexion et d’une poétique, une sorte d’ignorance cognitive. Ainsi on a une petite idée de ce qu’apporte la lumière dans le trou minuscule où nous la faisons entrer. Entrer dans le parti pris des animaux, c’est entrer dans un monde qui nous laisse stupéfaits mais en mouvement. Le livre est composé d’articles, c’est à dire de fragments épars, de chemins en désordre. Il n’y a pas de voie royale en dehors du plaisir de la découverte. Le lecteur pris par la main et lâché avec bonheur dans l’obscurité prend alors un immense plaisir à imaginer la suite. Tout reste à découvrir. Merci.
François Bernheim
Le parti pris des animaux
de Jean Christophe Bailly
Editions Christian Bourgois
A signaler un très bel article de Maurice Mourier sur ce livre dans la Quinzaine littéraire n°1084 du 16 Mai dernier.
Le parti pris des animaux
de Jean Christophe Bailly
Editions Christian Bourgois
A signaler un très bel article de Maurice Mourier sur ce livre dans la Quinzaine littéraire n°1084 du 16 Mai dernier.