Par Marie Hélène-Massé *****
Jambon, saucisson, petits lardons, tout est bon dans le cochon. Et les dernières découvertes de la science nous montrent que le génome du sus scrofa domesticus a de nombreux points communs avec celui des humains. Mais après visionnage du DVD Cochon qui s’en dédit, on se dit que dans l’histoire de l’évolution, c’est l’homme qui est allé trop loin, en laissant tomber le gène de l’empathie. Ames sensibles, abstenez vous de franchir les portes de la porcherie bretonne filmée en 1979 par Jean-Louis Le Tacon. On est au tout début de l’élevage hors sol. C’est à dire que c’en est fini du joyeux Naf Naf pataugeant dans sa bauge. Maxime, l’éleveur vit enfermé dans sa porcherie de béton avec un millier, non plus d’animaux, non plus de cochons, mais disons d’unités porcines. Leur regroupement dans ce stalag n’a d’autre but que de produire, par le moyen du rapprochement du verrat et de la truie parce qu’il fallait bien en passer par là, à cette époque, du kilo de viande en trois mois, trois semaines et trois jours. Derrière ces portes de l’enfer, on devine l’odeur suffocante qui colle à la peau de l’humain. On entend les grognements et les couinements. On assiste à une castration en direct et à une fièvre porcine. A une nouvelle définition de l’expression « lancer le cochonnet ». Et pendant ce temps, les déjections s’accumulent, il faut les évacuer sans arrêt en cascades de lisier noires. On, c’est à dire vous et moi, lecteur au cœur tendre mais amateur de boudin blanc, pourrait faire remonter à cette année 1979 les débuts de ce que nous nommons notre civilisation. Avec une campagne déjà sournoisement rongée par les centres commerciaux et par des tours grimpant dans le lointain. Avec l’accumulation de déchets dont on ne sait que faire, sinon polluer rivières et nappes phréatiques. Avec cette insensibilité au sort de ces animaux que nous mangeons et même des agriculteurs qui les élèvent pour nous à huis clos. Depuis, c’est devenu pire, forcément. Aujourd’hui, ce film montre à quel point il est urgent de réfléchir à des solutions qui ne seraient pas de nouveaux scénarios de science-fiction. Qui respecteraient l’homme et son frère le cochon.
Cochon qui s’en dédit
Un film de Jean-Louis Le Tacon
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