Fabriquer le vivant ?
de Miguel Benasayag et Pierre- Henri Gouyon Editions de la Découverte
Ce que nous apprennent les sciences de la vie pour penser les défis de notre époque
Editions de la Découverte
Miguel Benasayag est philosophe, psychanalyste , Pierre- Henri Gouyon est biologiste. Leur dialogue est à la fois celui de deux hommes qui ne sont pas d’accord sur tout et le dialogue non pas de deux disciplines mais de deux planètes et modes de pensée, qui en France en tout cas, ne se fréquentent guère. Leur démarche démontre à l’évidence que les mondes clos entrainent la régression. Alors que l’ouverture introduit une dynamique où la connaissance du creux comme des pleins s’avère toujours positive. L’ADN aurait –il vocation à remplacer la bible, à devenir le grand livre de la vie ? La conclusion est négative. Les auteurs renvoient dos à dos l’ultra nominalisme qui pense possible de reconstruire un système vivant à partir d’un atome et l’holisme qui privilégie la partie par rapport au tout. Il s’agirait plutôt de penser à un système organique d’inter- relations et corrélations complexes entre le tout et les parties.
Qu’est-ce qui différencie fondamentalement les techno-sciences de la culture , c’est sans doute l’idée que la mort , le dépérissement ne peuvent être considérés comme une perte. Ou mieux que l’homme ne peut pas vivre, respirer sans concevoir de l’inutile. Le sentiment, la solidarité , la poésie ne doivent pas prouver leur utilité sur le marché c’est au contraire leur bienheureuse inutilité qui les rend utiles.
A la lumière de la disparition du mythe du progrès et du modèle hégélien de fin de l’histoire, on mesure le trouble profond de nos contemporains quand les techno- sciences leur affirment que tout est possible. A l’instar de Jacques Ellul qui il y a plus de 20 ans dénonçait la capitulation devant les processus sans sujet ( cité par JC Guillebaud dans un entretien sur ce blog), les auteurs dénoncent les macro processus qui répondent à des stratégie sans stratège. Le développement technico –économique doit être pensé, il n’est pas la pensée. A ce stade on mesure le retard de la réflexion politique incapable pour le moment d’identifier l’adversaire. La finance mondiale reste pour son plus grand bien une entité abstraite. Le mérite de ce livre est moins d’expliquer la science aux béotiens que de nous proposer des outils pour nous situer dans la société post moderne et mieux dans un combat pour redevenir des acteurs de notre vie.