Snuff de Chuck Palahniuk
Editions Sonatine ***
La dépression des années 30 a vu surgir deux chefs d’œuvre sans grand rapport avec le sexe mais plutôt avec la production de masse . Il s’agit de « On achève bien les chevaux » d’Horace Mac Coy où l’âpreté d’un marathon de la danse résume la férocité d’une société sans pitié pour les déshérités et du film « Les Temps Modernes » de Charlie Chaplin. On y voit l’usine et la production de masse écraser les travailleurs dans une mécanique aussi implacable qu’absurde . Depuis les usines n’ont certes pas disparu mais elles ne sont plus le lieu central où se fabriquent les mythes de notre époque. Sauf que, il faut savoir ce que l’on entend par usine. Et c’est là qu’intervient Chuck Palahniuk et son roman Snuff.
A l’ère de l’informatique , le sexe est devenu une marchandise où l’éjaculation à répétition accompagnée de ses stimulants est une des productions les plus importantes du système économique. Le désir de mort serait devenu plus important que le désir de vie et l’exploit ou la performance plus valorisants que la Jouissance. D’où la géniale idée d’une star du porno qui a décidé de se faire pénétrer sous contrôle de la caméra par 600 officiants . Entre poils, couilles plus ou moins pendantes, inceste potentiel et fantasmes tristounets, la mise à mort poursuit son cours inexorable. Snuff n’est pas un livre pornographique, il est celui de l’épuisement de l’espèce humaine et de ses idéaux. La surprise vient sans doute qu’à force de mettre en avant un monde sans espoir, un monde où l’essentiel est de boucher les trous, pour éviter d’être déstabilisé par le moindre souffle d’air frais, on en vienne à entrevoir autre chose. Ainsi une sorte de pudeur malicieuse fait qu’au de là de la tristesse morne de ce qui est décrit, l’envie d’imaginer une vie toute neuve puisse surgir. Les absents n’ont pas toujours tort.