Plaidoyer pour une gauche populaire
Sous la direction de Laurent Baumel et François Kalfon
Textes de Laurent Bouvet, Philippe Guibert, Christophe Guilluy, Remy Lefebvre, Alain Mergier , Camille Peugny – prix : 10 €
Ne Comptez surtout pas sur moi pour vous résumer en 20 lignes ou plus le contenu de ce livre de 114 pages, format poche. Il est beaucoup trop important pour cela. Je préfère énoncer en quelques points les premières réflexions que suscitent cet ouvrage:
1/Certains peuvent penser être de gauche sans avoir à défendre les intérêts des catégories populaires. Cela n’est pas nouveau, mais ce qui l’est c’est la mise en avant officielle de cette stratégie. A qui la fondation Terra Nova ,think tank proche du PS a-t-elle servi de poisson pilote ?
Rétrospectivement ,il semble bien que des années plus prospères ou moins dures aient permis au PS de cultiver un progressisme répondant essentiellement aux aspirations des classes moyennes montantes qui habitent toutes au centre des villes. A ce stade la droitisation de la société française face à la crise est ni plus ni moins qu’un alibi. Les élites politiques progressistes ont abandonné une large partie des classes populaires à leur triste sort.
2/ Cet abandon contre nature n’est plus possible . Il n’a jamais été souhaitable, mais face à la crise il devient une hérésie. Comme l’écrit Alain Mergier « une partie de la société a l’impression qu’elle fait marche arrière parce que l’autre fait marche avant » Non seulement la gauche qui ne défend pas les intérêts du peuple n’est plus de gauche mais elle pourrait le disputer en crétinisme à la droite dite la plus bête du monde. Les informations et analyses de ce livre démontrent bien que c’est sur une ligne de classe ne refusant pas le conflit, que la gauche ouvriers+ employés + classes moyennes peut l’emporter si elle a un projet ambitieux et solidaire ( comme la révolution de l’école voir le texte de Camille Peugny )
3/ des années de renoncement , sans travail de fond pourraient nous faire oublier une équation très simple : les ouvriers + les employés sont 60% de la population française. Cette vérité basique ou plutôt son oubli donne la mesure des préjugés en cours.
4/Grosso modo un parti politique s’informe de 2 façons :
a/ sa composition sociale constitue un bouillon de culture pour son projet politique. Contrairement à celui de 81 ,lePS des années 2000 ne sait plus ce que c’est qu’un ouvrier, ces derniers ne sont plus au PS .
b/ Les études faite par le parti ou des sociologues proches permettent de pallier en partie ce manque. La situation est intéressante puisque la fondation capitularde est proche du PS et les directeurs du présent ouvrage sont des responsables du PS. C’est donc à la direction de ce parti comme à son candidat de trancher, sachant que ce choix comme le souligne Rémi Lefebvre est un préalable et pas encore une stratégie.
5/ La crise ne permet pas de faux fuyants. la gauche semble avoir fait des progrès du côté de la prise en compte de l’insécurité et du sentiment d’insécurité. Tant mieux. Espérons qu’à la lumière de ce livre ses principaux responsables comprendront que la lutte des classes est d’autant plus réelle que les classes moyennes ont progressivement appris que chacun peut être jeté, « déclassé » du jour au lendemain. Le peuple est quantitativement en progression. Ce n’est pas une très bonne nouvelle.
6/le rejet de la politique du président des riches n’est pas en soi une stratégie. Sauf à penser comme Terra Nova que la clientèle populaire qui vote front national n’est pas récupérable . La violence faite aux classes populaires est trop forte pour se contenter de vilipender le fondé de pouvoir de l’oligarchie. Les classes dominantes étranglent doublement le peuple , d’abord en l’appauvrissant en le précarisant ensuite en lui interdisant de se penser collectivement comme une classe.
7/ Pour la première fois en France un ouvrage de vulgarisation donne informations très claire sur la nouvelle spatialisation de la lutte des classes. Qui habite les espaces ruraux ? En grande partie les ouvriers et les employés. Au-delà des banlieues et des quartiers dits difficiles le péri –urbain abrite un nouveau prolétariat.
8/ Les français seraient paralysés par la crise et par la propagande de la droite ? L’étude de la Fondation Jean Jaurès analysée par Philippe Guibert démontre qu’il n’en est rien. Ils sont plutôt asséchés par le silence de la gauche. Leur individualisme est un pis aller pour faire face à l’incertitude de leur situation. Ils ne réagissent pas comme des victimes sans ressort, mais faute de mieux ils se débrouillent. Ils ont du talent, du dynamisme et le prouvent. Faute de mieux ils légitiment ainsi leur individualisme.
9/ Les résultats électoraux obtenus ces dernières années démontrent bien qu’à ne cultiver que les nouvelles élites et populations culturellement avancées, la gauche risque fort de devenir le parti des grandes et moyennes villes de France. Ne pas abandonner le pouvoir d’état, ni surtout une espérance de changement social suppose, sans le moindre extrémisme, du courage, du travail, une grande capacité à convaincre et à imaginer de nouvelles solidarités.
10/ Selon la place que l’on occupe on peut être légèrement optimiste. « Plaidoyer pour une gauche populaire » constitue un outil de déverrouillage efficace. Il ne surtout pas se demander si le peuple peut entendre ce qui est dit dans ce livre. Il faut plutôt se donner les moyens pour que les élites à la tête de la gauche entendent le peuple. Il y a urgence, sinon c’est une partie de plus en plus importante du pays qui fera sécession soit en s’abstenant soit en rejoignant le FN .
Débattre, faire pression sur les responsables, considérer que le conflit est porteur d’avenir est aujourd’hui indispensable. Le peuple est souvent plus mûr que ses dirigeants . D’autant que la crise lui a plus appris que bons nombre de sessions de formation. Au travail !