L’enquête de Félix Guattari sur l’asile psychiatrique de Leros ( Grèce ) est paru une première fois dans Libération du 13 Octobre 1989. De Leros à Laborde, le 2ème texte du petit livre qui vient de paraitre aux nouvelles éditions lignes a été écrit à la fin des années 80.
20 ans après la mort de Félix Guattari, ses textes s’avèrent d’une actualité brûlante. A travers les attaques que n’ont cessé de subir la psychiatrie et la psychanalyse, nous avons été obligés de comprendre que ce n’était pas d’une mise en question critique dont il s’agissait, mais au contraire d’une volonté d’éradiquer toute forme d’investissement dans l’attention à l’autre et dans la nécessaire remise en cause du système. Les textes de Guattari pourraient être contresignés par l’appel des appels et par le collectif contre la nuit sécuritaire.
Ce qu’apporte cette lecture à un non spécialiste est fondamental.
1/ Situé à la gauche de la gauche, pour ne pas dire à l’extrême gauche, Félix Guattari se révèle être un intellectuel pratique sans cesse en mouvement. Les concepts qu’il crée sont des concepts à vivre sans cesse confrontés à la réalité du terrain. Si Leros est un bagne, il n’est pas celui que décrivent complaisamment les médias. L’argent investi n’a pas été gaspillé. L’asile de Leros est plutôt moins horrible que celui de l’hôpital d’Athènes. Mais ce qui se passe à Leros est malheureusement identique à ce qui se passe dans tous les asiles psychiatriques. Prisons et mouroirs ,ils sont d’abord des lieux de relégation .
« En somme ,on veut normaliser la situation, pour faire à Leros une psychiatrie comme ailleurs, c’est-à-dire dans des murs peints, avec un personnel qualifié, des apparences sauves, mais une psychiatrie qui restera tout aussi répressive dans son instance ségrégative, aliénante, déshonorante pour la condition humaine »
2/Les progrès du néo-libéralisme aidant, nous comprenons que les fous, rebut de la société, se trouvent de fait aux avant postes du traitement dégradant que la classe dominante veut infliger à l’ensemble de la société. En clair se battre pour eux, c’est aussi se battre pour nous, pour que nous puissions nous réapproprier nos existences.
A contrario, la clinique de La Borde, crée par Jean Oury qui applique les méthodes de la psychiatrie institutionnelle n’est pas seulement à l’avant-garde d’un traitement humain ,généreux et efficace des malades mentaux, elle est aussi le microcosme d’une société démocratique possible, où ceux qui savent, comme tous les autres acteurs , travaillent et débattent ensemble en partageant les taches.
De La Borde à l’impossible
Pour Félix Guattari il ne fait aucun doute qu’on ne peut faire avancer les choses en se contentant de puiser dans un savoir acquis. C’est bien ce sur quoi insiste Marie Depussé dans sa préface « On ne forme jamais quelqu’un avec du déjà là ( ou plutôt,on ne fait que ça, partout ), mais c’est le contraire qu’il convient de faire. Former des jeunes à la possibilité d’inventer des choses nouvelles, de les pratiquer de les remettre en cause. Il s’agirait d’une pratique créative du terrain. C’est cela qu’il faut transmettre, la création et la remise en cause »
On comprend donc, qu’on ne peut assumer le mouvement d e la vie qu’en inventant la vie. L’utopie est tout sauf une chimère. Elle implique une démarche, une volonté, une méthode de travail. Cette exigence Félix Guattari l’exprime avec force « l’on se prend à rêver de ce que pourrait devenir la vie dans les ensembles urbains, les écoles, les hôpitaux, les prisons, etc, si au lieu de les concevoir sur le mode de la répétition vide, l’on s’efforçait de réorienter leur finalité dans le sens d’une re-création permanente interne »
« la cure n’est pas une œuvre d’art, mais elle doit procéder de la même sorte de créativité »
Le 14 Mars 2012 sort dans les kiosques un mensuel pas comme les autres.
128 pages à lire et à z’entendre (1) avec les yeux, le cœur, l’intelligence et 5 €. Pas comme les autres parce que c’est Michel Butel le créateur de « l’autre journal » qui en est l’initiateur. Michel Butel comme Félix Guattari en redonnant du sens aux mots, redonne du pouvoir à chacun de nous . Butel aurait pu écrire :« un journal n’est pas une œuvre d’art mais il doit procédé de la même sorte de créativité » Dans le dossier de presse de « l’impossible » on peut lire les phrases suivantes : L’Impossible naît dans la crise : crise de la presse, crise de la gauche, crise du système entier. Au renoncement, au désarroi, au désespoir, il entend opposer des formes de pensées singulières, résistantes, minoritaires. Un journal doit être un événement, au sens radical de ce mot, dans la vie de chacun. Il doit troubler. Il doit inquiéter. Il doit émouvoir. Il doit transmettre l’énergie vitale sans quoi nous nous effritons de jour en jour. Parce que tout part toujours d’une communauté qui se forme et qui s’identifie, puis qui, progressivement ,forme une autre communauté, plus vaste qui se forme et qui s’identifie….. »
Bref voilà un journal qui va nous permettre d’être fous, pour le plaisir et la douleur de nous sentir en vie, d’autant que si la planète terre est bien notre asile, il n’y aucune raison de ne pas ouvrir toutes les portes à l’Impossible. Derrière l’Impossible on trouve des mécènes de poids, ils ont pour nom : beauté, surprise, rêve, combat, ré-enchantement du monde. Faire vivre « l’impossible est notre affaire, car cela fait quelques années que nous crevons de faim. Le 14 mars dans les kiosques.
Directeur de la publication : Michel Butel
Rédactrice en chef : Béatrice Leca
Rédaction : Francis Marmande, Sélim Nassib, Jean-Marc Fiess
(iconographie)
Collaborateurs du premier numéro :
Jean-Christophe Bailly, John Berger, Yves Berger, Dominique
Conil, Delfeil de Ton, Xavier de La Porte, Edouard Launet, Hélène
Hazera, Marie Depussé, Suzanne Doppelt, Jean Hatzfeld, Beno^ıt
Jacques, Édouard Launet, Yann Moulier Boutang, Valérie Mréjen,
Gaëlle Obiégly, Cécile Wasjbrot.
(1) Tant de choses à voir et à z’entendre, un poème de Boris Vian paru dans le recueil » Je voudrais pas crever ».