Sécurité : pièces à réflexion 3
Gilles Sainati est magistrat – membre du Syndicat de la magistrature et auteur de plusieurs ouvrages et articles sur le problème de la sécurité( voir pièces à réflexion 1 Revue Internationale des livres et des idées Mai/Juin 2008 sur le blog )
Y- a -il a travers toutes les mesures, nouveaux dispositifs dits de sécurité une entorse à l’état de droit ?
Gilles Sainati
Il y a plus qu’une entorse. On s’éloigne de l’état de droit défini par la déclaration des droits de l’homme et la constitution. On passe d’une conception de la sûreté où l’état garantit des droits contre l’arbitraire aux citoyens ( concernant même sa propre action ) Par exemple droit à un procès équitable ,débat contradictoire, etc à une conception de la sécurité qui va à l’encontre du maintien des libertés individuelles et de la protection de la vie privée.
Quelle relation peut –on établir entre la crise économique, la précarisation croissante du plus grand nombre et les mesures sécuritaires ?
– On pourrait dire que devant des problèmes économiques et sociaux importants l’état et la classe dirigeante se donnent le pouvoir d’encadrer la population. Mais l’analyse reste
un peu rudimentaire. Du fait des périls économiques, énergétiques, écologiques , il y a désagrégation de la politique sociale, l’état garantit les infrastructures existantes et les systèmes de domination qui y sont intégrés. L’état social disparait. On passe de la sécurité sociale à la sécurité civile.
A court terme l’efficacité des mesures et nouvelles lois n’est-elle pas plus idéologique que factuelle ?
Certes. L’approche des problèmes en terme scientiste et technologique donne une apparence de vérité, très difficile à combattre. C’est très complexe et ce discours comme dans le cas de la grippe se veut indiscutable. Il y a une épidémie, des vaccins pour la combattre et rien à faire d’autre ou à dire. Cette idéologie est totalisante. Dans le process sécuritaire la fascination pour la technologie joue un rôle important. Dans une approche technocratique certains rêvent d’une machine qui pourrait bien répondre à tous ces défis.
Comment expliquer le peu de répondant de la gauche ?
La gauche productiviste partage en partie une vision sécuritaire. Beaucoup ne comprennent pas qu’il faudrait changer de référentiel. On arrive au bout d’un modèle de croissance. Et ce n’est parce que la croissance pourrait repartir que les difficultés s’aplaniraient, car c’est la croissance même qui génère la désagrégation sociale. Les analyses alternatives sont d’autant plus difficiles à partager quand les difficultés augmentent, car chacun peut vouloir se raccrocher au peu qu’il a.
Certains disent que la sécurité n’est pas un problème, mais une solution pour des gouvernements qui se veulent efficaces( ou se donner l’image de l’efficacité) . Mais à terme le modèle sécuritaire va laisser voir son impuissance. Les citoyens commencent à en prendre conscience. Mais dans l’intervalle beaucoup de dégâts risquent d’être commis et la dispersion des forces démocratiques et progressistes est inquiétante.