Philippe Lemaire journaliste au Parisien, crée le 17 Septembre 2008 » Planète polar » un blog pour les passionnés du roman policier. Aussi éclectiques décontractés que libres, les choix de nouveau caïd invitent même les non initiés à rejoindre sa planète. Interview part 1. Demain la suite.
FB : Pourquoi le Parisien développe-t-il un blog sur le roman policier ?
PL : Lorsque je suis passé du service culture à la rédaction du parisien.fr, la rédaction en chef avait formulé le souhait que les journalistes créent des blogs sur des thèmes en adéquation avec la ligne du journal : proximité des lecteurs, souci de coller à la réalité de leurs vie quotidienne et de leurs loisirs… Je me suis proposé pour suivre l’actualité du polar sous cette forme parce que c’était d’abord un bon moyen de prolonger sur le web le travail que j’avais entrepris depuis plusieurs années dans le journal (chroniques, portraits, interviews d’auteurs). Comme j’ai alors continué d’écrire de temps en temps dans Le Parisien, j’ai pu jouer la complémentarité entre papier et internet, l’un renvoyant vers l’autre, le blog développant sans contrainte de longueur des sujets traités plus brièvement sur le papier.
Pourquoi P. Lemaire a-t-il eu envie de le prendre en charge ?
Depuis six ou sept ans que je suis amené à chroniquer des polars, je remarque que, dans le monde entier, de plus en plus d’auteurs cherchent, à travers les figures imposées du suspense, à refléter une réalité locale qui leur tient à coeur. Leur démarche implique un regard critique, mais avec le souci de rester lisibles du plus grand nombre de lecteurs possibles et sans nécessairement brandir d’étendard. Anciens journalistes, policiers ou magistrats, beaucoup ont conservé leurs méthodes d’investigation. Ce qui m’intéresse, c’est de tenter de cerner le parcours qui les mène au polar et de refléter la diversité de ces parcours.
Y aurait-il une typologie très différenciée des lecteurs de romans policiers ?
On suppose le lectorat majoritairement féminin, parce que les femmes achètent généralement davantage de livres de fictions. Mais aucune étude réellement scientifique ne le confirme. Une certitude : le genre plaît à toutes les générations, des étudiants aux retraités, comme le démontre la fréquentation des salons du livre et autres séances de dédicace. Et les échanges et le bouche-à-oreille leur servent de trait d’union.
Si le Roman Policier était un miroir de la société , peut-on saisir les évolutions majeures depuis 30 ans ?
Je ne suis pas assez expert pour répondre à cette question. Sur ce que je lis aujourd’hui, je constate juste que les intrigues se sont ouvertes vers la vie extérieure, que les énigmes à huis clos, si elles n’ont pas totalement disparu, se sont faites très rares. Je remarque aussi qu’en France, le polar n’est plus exclusivement le terrain de jeu d’auteurs se revendiquant de l’extrême-gauche.
Quels sont les 3 ou 4 thèmes majeurs que l’on retrouve le plus souvent dans les romans récents ?
Les Américains sont très marqués par les faillites éventuelles de leur administration : erreur humaine, corruption, guerre des polices… Les Scandinaves observent les effets de la mondialisation, de l’immigration, de la libéralisation économique sur leur société.
Jusqu’aux années 80, quels auteurs seraient aussi de vrais écrivains ?
James Ellroy a bouleversé le roman noir. Par son style d’écriture unique, violent, presque lyrique. Par son brassage des thèmes et des codes du polar, entre crime, corruption et politique. Et aussi parce qu’il est impossible de dissocier son oeuvre de son dramatique parcours familial.
John le Carré est un écrivain qui passe par le roman d’espionnage pour exprimer sa vision de la nature humaine.
Leurs contradictions sont intéressantes : Ellroy assume des positions réactionnaires et incarne la modernité ; le Carré s’est découvert des opinions progressistes et son écriture est plus classique.